Accéder au contenu principal

Christine 1 : De par ses mots

Lorsque je l’ai rencontrée ce sont ses propres mots qui ont formé en moi la grammaire d’une langue lointaine, profondément mienne et pourtant jamais verbalisée. Pour la première fois je savais esquisser les contours d’un monde étranger jusqu’alors. Un monde où la majuscule habille le D, et la minuscule dévoile le s. Tous ces codes je les découvrais en lisant les récits qu’elle savait si bien conter. Elle couchait sur l’écran qui nous séparait ses plus profonds désirs, celle d’une femme en quête d’absolu, celle d’une femme qui devenait femme aux yeux du Maître. C’était un texte écrit à deux, elle, la fascinante soumise, lui, le Maître éblouis, fasciné. A chaque suite donnée à l’histoire, cette femme s’engageait vers un chemin sans retour. J’ai marché avec elle, j’aurais pu lui tenir la main. Parfois j’imaginais être son tourmenteur, d’autres j’étais son jumeau, une plaie qui ne tient pas à cicatriser. Ce n’étaient que des prémices, mais déjà je savais que les eaux qui sommeillaient là au plus profond deviendraient un jour tumultes et fracas. Le cours de ma vie s’accélérait en un flot continu de fantasmes alors refoulés.
 
Ses récits devenaient une évidence, faire offrande de mes pensées, de mes gestes, de mon corps, de mon essence, devenir quintessence. Ne plus être que pour l’autre, et paradoxalement être soi plus que tout par le choix d’un sacrifice consenti, réfléchi, abouti. Fusionner à jamais par le sceau d’un rituel magnétique. Se donner l’un pour l’autre, l’un à l’autre, l’un par l’autre. Etre son objet, son seul et unique jouet et ainsi posséder sur elle le pouvoir d’une attraction fascinante et troublante, lumineusement sombre. Sacrifice et profits, n’être plus que pour l’autre suggérant que l’autre ne soit que par moi… addicted to… Je devais être sa drogue, être certain d’une union à jamais, lui donner ce pouvoir de me dominer. Cheval de Troie d’un pouvoir dévastateur. Par ce don elle acceptait d’être l’unique maîtresse de mes plus profondes pensées, c’était pour moi ouvrir en elle une porte dont je serai la clef, elle serait ma maîtresse je serais son unique sujet... addicted to… elle serait le verbe et pour se conjuguer à jamais d’elle je serais le sujet absolu.

Voilà ce que Christine a fait naître en moi, un trouble irréversible, un véritable cataclysme. Ensuite elle nous a offert sa vie, fini le rêve fantasmagorique, bienvenue les actes, aux pleurs, aux joies, aux peurs, toujours intense, sensualité dépravée, superbe chienne guidée par un Maître pilleur. Elle a trouvé celui qui devait être son Maître, imposture ou pas, elle s'est littéralement donnée corps et âmes, pulvérisant un à un des barrages toujours plus difficiles à franchir. Nous, nous l'avons accompagnée, épaulée tant que possible, mis en garde à mots couverts. Une véritable passion, une impasse, trop forte, impossible à dépasser si ce n'est peut être dans une ailleurs inexistant.

Les mots de Christine devenaient alors simplement Christine. Pour moi elle incarne ce rêve d'absolu qu'elle a su vivre. Une sorte d'icône silencieuse... le temps a rendu cette icône humaine, accessible. Nous échangeons peu, mais je crois que nous nous comprenons sans mot dire. En tout cas, j'ai l'impression de la comprendre, de la connaître. Lorsqu'elle l'a rencontré lui, elle semblait si surprise qu'il la connaisse si bien. Moi j'avais envie de lui crier : "mais nous te connaissons tous, toutes ces fictions, elles ne font que parler de toi, de nous, de tes craintes, de tes puissants désirs, de nos rêves". Seul toi ne le comprenait pas, il était si simple de relier les points entre eux pour dessiner la vraie Christine, fragile, aimante, celle qui voulait courir plutôt que marcher, vivre plutôt que sommeiller. Tu attendais ce révélateur, j'ai rêvé être ce révélateur. Mais pour moi tu étais une icône... la source... jamais je n'aurais osé... j'en ai seulement rêvé.
souble

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Malemort

Dans la clarté de la nuit des songes en nuées là la Malemort où je ne sais quoi sort s'étire et s'enchâsse s'enlace jusque sous ta gorge griffant mordant soufflant le chaud et le froid sur la peau fine écarlate prête à geindre en mille éclats de lunes en ta face putasse ta queue branlée tes bourses lourdes mises à mal pour le long voyage la malle poste et ta tête branlante riposte étouffe entre les cuisses la douceur de la peau le tendre abrasé par ta barbe impropre parsemée de l'odeur forte de son con tant de fois baisé sous le lit des pinèdes qui là te font suffoquer ahaner en grande goulée giboulée et bâillon de bave embrassées nage nage petit poisson poisseux visqueuse bite guerre de tranchée perdue avant que la messe ne soit dite car l'avant fut fessé pris engouffré pénétré fouetté mâle mené foutraqué fourré comme jamais quatorze queues putargues avalées pour te voir plus tard t'affaler offert lustré ta sueur suie blanche crasseuse épaisseur criante et ton

Un répit

 L'un contre l'autre, assis dans le salon. Lumières éteintes. Quelque chose comme trois heures passées minuit. Les lueurs de la vie. Les solitudes choisies, subies. Tes mains qui me massent, nous apaisent. Le dos se dénoue. La colonne s'abandonne. Je sens ton envie. La mienne naît ainsi de la tienne. Je ne dis rien. Je ne suis pas même certain de le vouloir. Pourtant je le veux. Mais je crains l'après. Est ce que cela effacera l'avant ? Est ce que cela effacera le dernier mois ? Ce serait plus simple, mais je ne veux pas que cela efface. L'amnésie et l'oubli pour ceux qui craignent. Je suis capable de cela. Mais je ne veux pas. Alors tu demandes. Je dis oui, j'ai envie. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je ne sais pas si cela compliquera plus encore. Je dis cela, et je dis j'ai envie. Et tes mains continuent à glisser sur ma peau. Et tes seins, et ton ventre, et ton bassin, collés contre mon dos. Je bande. Depuis longtemps déjà. Depuis que

La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

  Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954 —-----------   Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes. Restons en bordure. Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l&#