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Petit lexique de mots incompris #1

"La force

Sabina lui dit : "ça fait du bien de te savoir si fort !"

Mais tout au fond d'elle même, elle ajouta encore ceci : Franz est fort, mais sa force est uniquement tournée vers l'extérieur. Avec les gens avec qui il vit, avec ceux qu'il aime, il est faible. La faiblessede Franz s'appelle la bonté. Franz ne donnerait jamais d'ordre à Sabina. Il ne lui commanderait jamais, comme Tomas autrefois, de poser le miroir par terre et d'aller et venir dessus toute nue. Non qu'il manque de sensualité, mais il n'a pas la force de commander. Il est des choses qu'on ne peut accomplir que par la violence. L'amour physique est impensable sans violence.

Sabina regardait Franz se promener à travers la chambre en brandissant très haut la chaise, ce qui lui paraissait grotesque et l'emplissait d'une étrange tristesse.

Franz posa la chaise et s'assit, le visage tourné vers Sabina.

"Ce n'est pas que ça me déplaise d'être fort, dit-il, mais à quoi ça peut me servir à Genève, des muscles comme ça ? Je les porte comme une parure. Ce sont les plumes du paon. Je n'ai jamais cassé la gueule à personne."

Sabina poursuivait ses réflexions mélancoliques. Et si elle avait eu un homme qui lui aurait donné des ordres ? Qui aurait voulu la dominer ? Combien de temps l'eût-elle supporté ? Pas cinq minutes ! D'où il découlait qu'aucun homme ne lui convenait. Ni fort ni faible.

Elle dit : "Et pourquoi ne te sers tu pas de ta force contre moi, de temps en temps ?
_ Parce qu'aimer c'est renoncer à la force", dit Franz doucement.

Sabina compris deux choses : premièrement que cette phrase était belle et vraie. Deuxièmement, qu'avec cette phrase Franz venait de se disqualifier dans sa vie érotique."

Milan Kundera, "L'insoutenable légèreté de l'être"

Commentaires

  1. là je vais faire un aveu terrible
    ça fait longtemps que je dois le lire et que ce n'est pas fait...du coup, là j'ai vraiment envie de le lire...
    (dans la même liste, il y a les nourritures terrestres de Gide)

    ça résonne drôlement ces mots quand même?
    non?

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  2. Ca résonne en effet. Reste à savoir si l'écho est parfait en tout point... Personne ne le saura jamais.

    Je n'ai pas lu "Les nourritures terrestre", j'ai eu largement ma dose avec "Les faux monnayeurs" que je ne te conseille pas.

    Par contre, j'aime bien "L'insoutenable légèreté de l'être", ça a un côté très distancié avec beaucoup d'écho.

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  3. C'est une oeuvre magnifique, j'aime le regard de Kundera sur notre société, la poésie de certains passages... Et l'écho de certaines pensées. A lire absolument, moi je le conseille...
    Et puis il faut dire que la version cinématographique est pas mal non plus, avec une distribution magnifique.
    http://www.youtube.com/watch?v=4AIbhkI5n2Q&feature=related
    je suis fan de ce passage... Allez savoir pourquoi... rires!
    je t'embrasse et merci pour ce post...

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  4. plus personne à tes yeux29 novembre 2010 à 20:06

    Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. De très bons souvenirs que ce soit le livre ou le film. Malheureusement un peu trop loin dans mon esprit pour pouvoir en parler. Juste un souvenir du sentiment qu'il m'avait laissé, tous les 2.
    Je suis bien contente toutefois de vivre où je vis et heureusement que par chez nous la légèreté n'a rien d'insoutenable, au contraire ... (enfin, ça dépend de qui !)

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  7. Je m'y replonge.
    Merci.

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