Accéder au contenu principal

Linoléum

Dans l'ambiance masculine du restaurant, je regarde ses yeux. Ils sont chocolats et me disent ce qui est écrit sur ses boucles d'oreille. A côté de nous, deux hommes et une vieille dame. Je partage avec elle une cervelle de canut et une salade de lentille. Port de moustache autorisé, je me mets à regretter l'ambiance enfumée qui a du accompagner ce lieu si souvent. Pourtant je ne fume pas, je n'ai jamais fumé. Elle parle, bien plus que moi et bien mieux que moi. Je souris.

Ces cheveux roux me rappellent sa nuque, l'implantation de ces cheveux dans sa nuque que j'ai trouvée si belle quelques semaines avant. Je ne lui connais pas de collier mais suis certain qu'elle les porterait parfaitement. Soudain, elle m'interrompt, se lève. J'ai l'impression que tout ce que je peux dire de sérieux est terriblement ennuyeux et quelconque. Ça n'est qu'une gêne passagère, je suis bien. Mes yeux se portent sur ses jambes. Je ne distingue pas ses bottes. Je le regrette encore, j'aimerais me souvenir d'elle dans les moindres détail. Comme son regard capté au petit matin alors que ma main fouillait son sexe. "Regarde moi". Et son regard à la fois ici et en elle.

Comme un soubresaut immobilisé, le temps d'un instant éphémère, instantané enregistré dans ma mémoire imparfaite. Le brouhaha nous entoure. Je remonte vite sur son cul que je vois de profil. Je ne peux m'empêcher d'accrocher mon regard à son cul charnel. Elle disparaît enfin dans l'arrière cours. Soudain me revient les souvenirs de ma main découvrant la callipyge, mes mains n'ont jamais caressé un si beau fessier. J'en éprouve une fierté absurde et surtout un bonheur simple. Je nous revois et un sourire radieux s'étend sur mon visage. Je le lui dirai lorsqu'elle aura foulé le linoléum en sens inverse pour me rejoindre. Ces mots là auront bien plus de sens que mes phrases quelconques. Je me dis que quelques années en arrière, je n'aurais pas osé. La vie est brève et le désir sans fin, une raison suffisante pour dire ce que l'on ressent au lieu de craindre d'en avoir honte. La neige s'est remise à tomber.

Je lui proposerai mon parapluie, ce sera un prétexte pour sentir son corps contre moi. Le repas prend fin et l'heure de son train approche. Il ne neige plus, je n'ai plus de prétexte, qu'importe, je lui donne mon bras. Elle trouve que ça fait mamie, je lui réponds en somme que cela m'est égal, elle est contre moi, c'est l'essentiel. Nous nous séparons, elle part presque en courant, après une étreinte d'amitié intense et un baiser volé. Plus tard elle aura le droit de me dire qu'elle aurait aimé une après midi ainsi qu'une nuit supplémentaire.

Commentaires

  1. j'adore cette sensation quand je vous lis. celle de déguster une petite madeleine toute moelleuse.

    RépondreSupprimer
  2. Parquet puis Linoléum, quel sera le titre du prochain ?
    "La vie est brève et le désir sans fin, une raison suffisante pour dire ce que l'on ressent au lieu de craindre d'en avoir honte." => J'aime cette idée mais je n'ose pas encore assez le faire.
    Pourtant, on n'a rien à perdre mais plutôt beaucoup à gagner.

    RépondreSupprimer
  3. J'aime l'ambiance de ce récit, ce moment au restaurant encore si près de la bulle de désir, que vous n'en êtes pas encore tout-à-fait sorti... :)

    RépondreSupprimer
  4. @ Dita : On ne m'avait encore jamais dit que j'avais le goût et la texture d'une madeleine moelleuse ! :D

    @ NoOsiCaa : Et bien... à la réflexion, ce devrait être "moquette" la prochaine fois !

    @ Ambre : Je me demande en fait si je n'étais pas en train d'y rentrer avant d'envisager en sortir.

    RépondreSupprimer
  5. ce sont Tes mots raphaël qui ont ce goût là!!
    :)

    RépondreSupprimer
  6. "La vie est brève et le désir sans fin" : l'avez-vous lu au fait ?

    RépondreSupprimer
  7. Oser tout dire, oui. Sans honte. Mettre les mots justes sur ce que l'on ressent, ce que l'on veut dire, demander, exiger, sur ce que l'on partage, désire...
    Je n'osais pas toujours avant. Depuis quelques années, c'est quasi un mode de fonctionnement.
    Cela simplifie tout : tout est compris, et ceux que cela dérangeait sont partis d'eux-mêmes :-)

    Vous me donnez faim avec votre risotto !!!

    RépondreSupprimer
  8. J'aime votre nouveau "chez vous" et ce portrait d'une rousse aux yeux chocolat, un portrait pas si courant, il est vrai que ce n'est pas le type de femme le plus répandu non plus.
    "Oser dire ce qu'on ressent sans en avoir honte", j'ai été touchée comme tout le monde, je le pense oui mais pas toujours facile à mettre en application.
    Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année.

    RépondreSupprimer
  9. J'adore tenir un homme par le bras. Cela représente pour moi un geste trés affectueux.

    @ dita
    Si vous acceptez de partager votre madeleine au gout tout doux, je suis bien d'accord avec votre avis.

    RépondreSupprimer
  10. @Alice je suis une grande partageuse...je n'ai aucun sens de la propriété (je serais tentée de dire malheureusement parfois)...
    lire raphaël a toujours été un réel plaisir pour moi. Souvent j'attends le bon moment pour le lire car je ne veux pas le lire à la va vite... donc j'y prend soin de raphaël :)

    RépondreSupprimer
  11. Retour doucement ... je me déplace lentement sur ce linoléum et j'en apprécie chaque millimètre.
    Je m'imagine au bras de cet homme ... ou d'un autre ... en lui disant tout ce que je ressens car ... même si c'est assez récent, je n'éprouve plus aucune honte à m'exprimer. C'est libérateur ! Même les petits riens qui semblent insignifiants. La vie est trop courte, on doit pouvoir exprimer tous nos ressentis !

    Je vous embrasse ... j'aime ce nouveau décor !

    LO

    RépondreSupprimer
  12. @ Dita : Alors, je leur aurais préféré le goût du chocolat en souvenir de la couleur de ses yeux.

    @ NoOsiCaa : La vie est brève et le désir sans fin est depuis quelques jours dans ma bibliothèque, il ne me restera plus qu'à le lire, ceci dit j'ai de bons échos.

    @ Cassandre : oser dire, pour moi c'est un peu comme me mettre à la peinture, quelque chose de fondamental pour lequel je n'ai pas su encore tout à fait me libérer d'entraves invisibles.

    @ Ange Provocateur : chaque portrait est différent je crois. Bonnes fêtes à vous.

    @ Alice : j'aime aussi, mais j'ai l'impression de trouver rarement la position du bras qui serait parfaite. Je dois avoir besoin encore de pratique.

    @ Dita : et si on mettait un peu de chocolat sur la madeleine ? ce serait bien pour partager, non ?

    @ Lo : je suis heureux de vous voir à nouveau ici.

    RépondreSupprimer
  13. Je découvre ce texte et votre blog
    Quelle grâce et quelle subtilité.
    Ces non dit de l'instant qui deviennent intenses dans un autre contexte.
    Des micros événements dont seuls les protagonistes connaissent le sens.

    Je suis charmée par ces regards d'homme :)

    RépondreSupprimer
  14. Beaucoup de charme et de douceur, j'aime.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

La Malemort

Dans la clarté de la nuit des songes en nuées là la Malemort où je ne sais quoi sort s'étire et s'enchâsse s'enlace jusque sous ta gorge griffant mordant soufflant le chaud et le froid sur la peau fine écarlate prête à geindre en mille éclats de lunes en ta face putasse ta queue branlée tes bourses lourdes mises à mal pour le long voyage la malle poste et ta tête branlante riposte étouffe entre les cuisses la douceur de la peau le tendre abrasé par ta barbe impropre parsemée de l'odeur forte de son con tant de fois baisé sous le lit des pinèdes qui là te font suffoquer ahaner en grande goulée giboulée et bâillon de bave embrassées nage nage petit poisson poisseux visqueuse bite guerre de tranchée perdue avant que la messe ne soit dite car l'avant fut fessé pris engouffré pénétré fouetté mâle mené foutraqué fourré comme jamais quatorze queues putargues avalées pour te voir plus tard t'affaler offert lustré ta sueur suie blanche crasseuse épaisseur criante et ton

Un répit

 L'un contre l'autre, assis dans le salon. Lumières éteintes. Quelque chose comme trois heures passées minuit. Les lueurs de la vie. Les solitudes choisies, subies. Tes mains qui me massent, nous apaisent. Le dos se dénoue. La colonne s'abandonne. Je sens ton envie. La mienne naît ainsi de la tienne. Je ne dis rien. Je ne suis pas même certain de le vouloir. Pourtant je le veux. Mais je crains l'après. Est ce que cela effacera l'avant ? Est ce que cela effacera le dernier mois ? Ce serait plus simple, mais je ne veux pas que cela efface. L'amnésie et l'oubli pour ceux qui craignent. Je suis capable de cela. Mais je ne veux pas. Alors tu demandes. Je dis oui, j'ai envie. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je ne sais pas si cela compliquera plus encore. Je dis cela, et je dis j'ai envie. Et tes mains continuent à glisser sur ma peau. Et tes seins, et ton ventre, et ton bassin, collés contre mon dos. Je bande. Depuis longtemps déjà. Depuis que

La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

  Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954 —-----------   Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes. Restons en bordure. Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l&#