30 juin
Ce soir, au repas, tu avais l'air loin, ailleurs. Je t'ai demandé où tu étais. Tu étais au lit. Pas pour dormir, as tu précisé. J'étais surpris que tu puisses visualiser à cet instant une ou des scènes de baise. J'ai voulu savoir. Je n'ai pas eu de réponse. Était ce avec moi ? Quelqu'un d'autre ? Tu as tourné ce quelqu'un d'autre en dérision. J'aurais aimé que tu m'en parles, que tu puisses partager avec moi, pas nécessairement tes images, ton ressenti, déjà. Qu'est ce qui faisait que dans tes yeux tu semblais loin, rêveuse et nostalgique, un peu triste ? Tu m'as répondu que, là en cet instant, cela aurait été bien d'être au lit. Tu as refusé d'en dire plus. Moi j'aurais aimé comprendre ce bien être là.
C'est difficile que tu ne dises rien. Je ne peux pas croire qu'il n'y avait rien à en dire. Que ce soit avec moi ou une autre personne, je ne peux vraiment pas croire qu'il n'y ait rien à en dire. Nous avons regardé un film. Ammonite. Je n'en avais jamais entendu parler. Visiblement, à sa sortie, il y a deux ans, tu as eu envie de voir ce film. Je n'en savais rien. En t'attendant le DVD bouclait sur sa page d'accueil. J'étais étonné que tu puisses être tentée par ce film là. J'ai beaucoup aimé la musique, les images, les silences, ce côté très sensitif, silencieux, contemplatif. Peut être plus dans cette première boucle du DVD que dans l'heure du film que nous avons regardée. Mais j'ai aimé tout de même. Il y a des silences que j'aime. Ceux qui rapprochent, ceux dont on a la certitude chevillée au corps qu'ils nous lient. Que nous n'avons pas besoin de nous dire ce qui est derrière, parce que l'on sait et que cela nous renforce.
Nos silences à nous ne sont pas vraiment de cette essence là. Il y a ce que tu enfermes en toi, refusant forcenée à partager, me laissant à mille mètres de toute certitude, si ce n'est celle que tu es la personne que je suis sensé connaître le plus au monde, depuis 23 ans de vie commune mais dont je ne connais que peu de pensée intime me semble-t-il. Est ce que j'exagère en disant cela ? Je ne sais pas. Ce film, finalement, nous ne l'avons pas regardé jusqu'au bout. La scène du désir qui éclate est venue. Elle était force, forte cette scène. Pendant le film, je me suis rapproché de toi sur le canapé.
Il est rare que ce soit toi qui vienne vers moi sur le canapé. Est ce que je me trompe en disant cela ? Après cette scène, il m'a semblé que ton pied venait se poser à la limite de mon entre jambe. Depuis tout à l'heure, je me disais que ce soir, chose plutôt rare pour un soir, mais un peu moins rare qu'avant, nous ferions l'amour ou nous baiserions dans la chambre. Je me le disais sans certitude, mais l'idée était douce de se le dire, malgré ce que tu n'avais pas voulu dire, peut être parce qu'il n'y avait rien à dire. Je ne sais pas. Alors, peu de temps avant d'arrêter le film, après ta demande à aller se coucher, j'ai dit en un sourire quelque chose comme "allez zou, allons faire l'amour dans la chambre !".
Comment décrire le bruit de gorge que tu as émis en réponse ? Ce bruit qui dit la blague ou l'incongruité de la pensée qui vient d'être émise. En le disant, je n'avais aucune certitude sur le fait que nous allions en effet nous retrouver, ou plutôt, je ne pensais pas que cela se ferait, mais l'idée et l'image était douce. Nous nous sommes couchés. Tu as demandé si tu pouvais venir contre moi, j'ai dit oui. Une fois contre moi, tu m'as dit que j'étais loin. J'ai répondu que, oui, j'étais loin. Je crois que tu n'as pas bien compris ma réponse, alors tu as à nouveau posé la même question. J'ai répondu exactement de la même façon. Puis j'ai précisé que je me sentais vexé, que cela n'était pas tout à fait le bon mot. Je t'ai demandé si c'était si incongru d'avoir envie de cela. Et tu as répondu que non, précisant que ce n'était pas parce que tu avais dit cette envie d'être au lit au repas que cela signifiait que nous le ferions. J'ai répondu que je le savais. Et je crois que nous ne nous sommes pas dit autre chose ensuite. Dans ma tête, le bon mot, celui qui aurait dû remplacer vexé, c'était blessé. Peut être même finalement te l'ai je dit.
Oui, c'était le bon mot, mais je crois qu'au final je ne l'ai pas prononcé, où je n'ai pas voulu le prononcer, parce que, je pense que moi, je t'ai blessé si souvent à vivre d'autres histoires d'amour, d'amitiés et/ou de sexe, qu'après tout, je peux bien être blessé un peu. Samedi je t'annonçais que je souhaitais aller au resto avec une amie. Et d'un coup ton ciel s'est assombri et la tension dit palpable, jusqu'à ce que cette soirée fut annulée. Je t'ai blessée. Le sommeil est venu pour chacun, jusqu'à ce que mes cervicales si tôt cette nuit se mettent à grincer. Ce soir, j'ai lu une jolie liste de désir de vivre à deux ce qui ne peut être vécu. J'étais au cinéma, touché par tout cela. Au fond de moi, tout cela, j'ai l'idée que ce n'est pas que du cinéma, que cela existe, que cela peut exister pour de vrai, dans la vraie vie. Cela nous est sans doute arrivé de vivre ce cinéma là, juste être bien l'un avec l'autre. Cela nous arrive sans doute toujours, mais peut être dans d'autres détails que ceux qui étaient écrits. Je me demande si nous les avons vécus. Comment puis je avoir oublié que nous les avons vécus ?
Dans ces moments là, je me dis qu'il faut arrêter. Pour toi et pour moi, pas pour vivre ces moments, non, juste pour ne pas nous blesser davantage. Parce que au jeu de la blessure, avec toute la bienveillance qui est la nôtre, sans chercher à blesser l'autre, nous ne cesserons de le faire. Nous avons beaucoup de différences. Je suis d'un signe du soleil et du plus bel été, tu es d'un signe de la terre et du plus sombre automne. L'astrologie n'est pas là l'important, mais les symboles de ces signes disent tellement de nous. Nous nous sommes merveilleusement bien complétés et c'est encore le cas. Le prix à payer c'est que nos différences, parfois, lorsque l'on s'arrête dessus pour les décortiquer, et bien nos différences peuvent me sembler insurmontables. Puis la nuit vient à cesser, les douleurs à passer, et alors après quelques jours je finis par oublier jusqu'à ce qu'à nouveau je te blesse ou du me blesse. Je crois que tu ne vas pas bien en ce moment.
2 octobre
Cet été, nous nous sommes retrouvés. D'attentions en attentions. De brèves discussions en discrètes confidences.
Je suis parvenu à lire cet été. J'ai lu le livre d'une amie et sa dédicace. Sa dédicace qui n'était qu'un écho à la fiction, mais hasard un écho à ma propre histoire disait en somme que ce qui était important n'était pas d'être complémentaire, mais d'accepter l'autre dans sa plénitude. Je crois que nous avons commencé à nous accepter.
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