Une
nuit de pleine lune. Calme. Douce. Sereine. Un ciel légèrement voilé.
Insuffisamment pour empêcher l'éclat de la lune de baigner le paysage
d'une clarté bienfaisante. Un paysage d'alpage. Une grande prairie en
pente douce logée au creux des montagnes. La nuit est tiède. Une grande
pierre plate comme un miroir de lune. A l'abri de celle-ci, une petite
fleur, une pensée sauvage.
Malgré
la tiédeur de la nuit, ses pétales sont refermés vers l'intérieur. Elle
est dans l'attente d'un soleil de mois d'août, prête à exploser de
toutes ses couleurs chatoyantes à la première caresse matinale. Elle
sent un souffle, un léger trouble qui l'invite à s'ouvrir, à déployer
ses pétales. C'est encore trop tôt. La caresse est agréable, légère,
sensible. C'est un petit papillon blanc. S'est il perdu dans la nuit ?
Est-ce le parfum sucré de la belle petite pensée sauvage qui l'a convié
si tôt à ses côtés ?
Il
papillonne doucement, prend son temps, l'effleure, joue avec elle. Se
pose à l'orée cuticule. Attend. Il cherche à s'imprégner du parfum, le
devinant plus que le savourant. Quelques battements d'ailes et voilà
que la fleur commande à ses pétales de laisser écouler un peu de son
nectar. Cadeau inespéré, inattendu.
Puis, plus rien. Le papillon s'est envolé. La fleur se sent seule. Elle aimait cette présence, cette promesse sensuelle.
Des
frissons la parcourent. Un frémissement de vie, une fraicheur vive. Le
ciel se dévoile, les étoiles s'estompent, la lune donne la main à son
âme frère, le soleil. La rosée s'égaye comme des petits points de
lumière cristallins. La couleur des sommets se teinte d'une robe d'un
rose ocre. Une nouvelle nature s'éveille.
Plus
lumineuse, moins secrète. Comme un drap qui glisserait soyeusement sur
la peau d'une femme en renaissance, les ailes d'un ange protecteur, la
finesse de ses hanches désirables, son cul rond comme son âme soeur la
Lune. Et enfin, un rayon s'échappe, se pose sur la petite pensée
sauvage, perdue sur les hauteurs de la clairière, proche d'une pierre
plate diffusant en elle jour et nuit une chaleur salvatrice.
Un
rayon brise le dessin des écrins de pierre. Un raie prophétique
tranchant le paysage émotionnel d'une teinte d'un opaque éblouissant.
Il enserre la petite fleur comme une main sur une peau inconnue mais
déjà aimée et aimante.
Toute
la beauté de ce geste se communique en elle, prend corps dans toute sa
sève. La nuit solitaire est déjà effacée. La pensée sauvage offre au
regard des herbes folles ses plus belles couleurs. Du violet vers le
bleu, des bleuets aux violettes, irisées de tâches de soleil d'un joli
jaune piquant, des grains de beauté sur une peau parcheminée de
frissons d'aube.
La
chaleur est belle, elle est bonne, cicatrisante, elle efface le passé,
elle l'estompe pour laisser place au nouveau jour, au jour premier,
proche du Lac Blanc.
Ses
pétales s'ouvrent, un à un, son corps fragile se déploie, prend toute
sa place dans le drapé naturel du cœur de Savoie. Une petite chose
fragile et délicate qui, enfin, bat au cœur des éléments. Son parfum se
fait plus attirant, une envie de vie, une pulsation apaisante.
Soudain,
un nouveau frôlement. Elle le reconnaît. La nuit a laissé des traces
dans sa mémoire sensorielle. C'est ce papillon blanc. Il n'était pas
loin. Il était posté sur la pierre plate, fondu dans les lichens pour
mieux l'observer, la caresser du regard. Elle. Si belle dans la nuit,
si petite chose au milieu de ce grand tout, si grande chose pour sa
première journée à venir.
Un
rayon comme la main rassurante d'un homme, un frisson comme les doigts
plumes sur une peau offerte, une caresse comme une langueur humide
ouvrant la fleur. Les beaux pétales s'ouvrent à tous les vents,
bouquets de baisers, juste pour son souffle à lui, petit papillon blanc
fait pour sa pensée sauvage.
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