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Affichage des articles du mars, 2022

Évadés d'Eden

Ce soir le vent redouble d'effort. Personne n'ose sortir. D'abord il est trop tard. Ensuite, seuls des inconscients insomniaques oseraient se glisser dehors sous pareil temps. Les volets des maisons sont fermés. Il y a dans le ciel noir à peine quelques étoiles, des traînées de fumée qui s'étiolent à grands traits, traces mi blanchâtres à la lumière de la lune, mi jaunâtres sous l'éclat des réverbères, puis plus rien. Plus rien que le grand vacarme, d'un géant invisible arrachant et déchirant en vif craquements les grandes branches de son immense hargne. Plus rien que le grand vacarme du vent d'Ouest hurlant et sifflant sa rage à tous les vents. Plus rien que le grand vacarme des feuilles qui bruissent comme des cigales stridents et métalliques. Sur la place, Notre Dame la Grande fait figure de proue. Des rats traversent les pavés pour se réfugier à l'abri avant ce qui semble être la fin du monde. Un chat noir reste tapi sous une voiture malgré la cavalc

Votre journal intime

Elle m'a regardé dans les yeux. J'ai cru voir ceux d'Adrien. Bleus, regard glacial. Regard qui se vrille en vous, qui soudain vous fait proie. J'ai senti mon sexe respirer, mon rythme cardiaque s'accélérer. On ne faisait rien avant, ou comme si. On parlait. De tout. De rien. On évitait le sujet. J'évitais le sujet. Parce que moi, ces sujets là, et bien, c'est comme si j'étais un peu pudique. Alors si l'on ne m'en parle pas, je n'en parle pas. Et puis, je ne veux pas les aborder, on a tant de chose à savoir de l'autre, c'est bien déjà parler. Non ? J'ai commencé à bafouiller et je me suis réfugié dans l'humour. Mais cela ne l'a pas trompée. Elle a posé sa main sur mon entre jambe. Je me suis tu. J'ai eu envie de me lever d'un bon, j'ai eu envie de m'éloigner, comme si j'avais subitement peur. Je pense qu'elle l'a senti. D'abord parce que j'ai sursauté. Ensuite parce que mon regard se déto

Au dernier jour de janvier

Vous qui voulez être Écoutez soigneusement ce secret Du dernier jour de janvier Donnez vous rendez-vous Auprès de la fontaine aux loups Là où un matin brumeux de janvier Seuls les silences se découpent au couteau Et le givre qui partout se répand Comme sous vos pas s'épanche en cristaux Au bord du lac essouflé faites halte lentement Sous le rayon chaleureux du soleil d'hiver Prenez chacun une poignée de gravier sertis de terre Cassez deux branches fines à leur base Éprouvez l'air tout en songeant l'un et l'autre à un voeux Arrimés au pied du ponton il est temps Faites voler les petits cailloux Au moins dix chargés de voeux en pagaille Écoutez les bondir sur la surface glacée C'est son souffle qui vient à s'exhaucer Un pantalon et un dessous que l'on baisse Le frottement du tissu sur la peau Une chemise lâchée à terre au pied d'un manteau blanc Deux mains sur la balustrade et le regard déjà loin Deux autres et votre regard sur les hanches Trente coups

Je veillerai sur toi

  Dans mon village, on ne sort pas la nuit. Chacun reste chez soi. Cloîtré dans la nuit. Lumières éteintes. Seul avec le noir, caché dans la pénombre. Au début, certains osaient encore fumer une cigarette sur le seuil de leur porte, frapper à la porte du voisin pour demander une bougie, ouvrir ses volets pour profiter un peu du clair de lune. Aujourd'hui, plus personne n'oserait faire cela. On entendait il y a encore quelques mois un peu de vie, on distinguait un éclat de lumière au travers d'une fenêtre, un filet de fumée s'échapper des cheminées, on sentait l'odeur humide et fumée de l'automne. Il y avait encore des lampadaires en service pour éclairer les bordures de nos terrains. Il y avait des chuchotements de voix et de rires, des murmures de presque rien mais de quelque chose tout de même. Il n'y a plus rien aujourd'hui. C'est beaucoup trop dangereux. Plus de signe de vie. Certains sont partis. D'autres se terrent. Nombreux sont ceux qui o