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Votre journal intime

Elle m'a regardé dans les yeux. J'ai cru voir ceux d'Adrien. Bleus, regard glacial. Regard qui se vrille en vous, qui soudain vous fait proie. J'ai senti mon sexe respirer, mon rythme cardiaque s'accélérer. On ne faisait rien avant, ou comme si. On parlait. De tout. De rien. On évitait le sujet. J'évitais le sujet. Parce que moi, ces sujets là, et bien, c'est comme si j'étais un peu pudique. Alors si l'on ne m'en parle pas, je n'en parle pas. Et puis, je ne veux pas les aborder, on a tant de chose à savoir de l'autre, c'est bien déjà parler. Non ? J'ai commencé à bafouiller et je me suis réfugié dans l'humour. Mais cela ne l'a pas trompée. Elle a posé sa main sur mon entre jambe. Je me suis tu. J'ai eu envie de me lever d'un bon, j'ai eu envie de m'éloigner, comme si j'avais subitement peur. Je pense qu'elle l'a senti. D'abord parce que j'ai sursauté. Ensuite parce que mon regard se détournait, il montrait la sortie, il cherchait un appui, une fuite, une échappatoire. Alors elle a serré.

Elle a serré mes couilles au travers de mon jean, de mon caleçon et elle m'a dit sans jamais lâcher sa prise "Regarde moi, reste avec moi. Tu es bien là pour ça ? N'est ce pas ? Tu es bien là pour que je me joue de toi, pour être une petite chose entre mes mains ? Tu ne vas pas déjà partir."

Moi, je ne savais plus où me mettre. J'ai senti mes oreilles rougir, devenir brûlante. Oui. Oui, j'étais là pour ça. En fait, non, non, je n'étais pas là pour ça ! J'étais là parce que j'avais vraiment envie de faire connaissance avec elle, de comprendre qui elle était, de l'écouter me parler, de ressentir sa voix, de mettre un visage sur un pseudonyme, de dépasser le pseudonyme et de comprendre sa façon d'être, ce qui l'illumine, la porte, ce qui la touche. Oui, je me disais, peut-être que… mais je ne voulais surtout pas me projeter dans ce peut être que. Je luttais contre des films intérieurs et le matin encore avant notre rencontre, je laissais mon imagination voguer je ne sais où, mais pas loin de la chaleur ample de mon sexe dur et tendu. Mais non, non... je n'étais là que pour ça.

En un ultime effort, le regard fixé au dessus de son épaule, incapable de la regarder, je réussi à lui répondre.

- J'étais là pour vous rencontrer

- Alors tu étais là pour cela... me dit elle en desserrant son emprise, relachant un sexe tendu, prêt à faire ce qu'on lui dirait

- … Oui…

- Oui, qui ?

- Oui, Vous.

C'était la première fois que je l'appelais ainsi. Jusqu'à présent, je l'avais toujours appelée par son prénom. Béatrice. Mais j'avais lu d'autres hommes, des hommes qui s'offraient à elle l'appeler Vous. Et en cet instant, cela me paraissait tellement évident ce Vous, tellement... elle.

- C'est bien, je vois que tu abandonnes enfin le masque. Je commençais à me demander de quel bois tu étais fait.

Cette fois, sa main caressait mon entre-jambe. J'écartais les cuisses de plus belle. Et mon imaginaire m'inondait d'un amas d'images et d'envies que jamais je n'avais vraiment ressenti aux côtés de quelqu'un. Je voyais ses lèvres sucer la pointe de mes tétons en les mordant, les étirant, m'arrachant des râles. Je voyais une queue factice me dévorer le cul tandis que sa main s'abattait sur mes reins. Je voyais un homme qu'elle m'obligeait à sucer, que je suçais goulûment ivre du plaisir que je lui procurais à elle, comme à lui, je voyais mon cul rougi, marqué de traînées de sang, mon visage pleurant à grosses larmes, mon corps se convulsant de toute part, je me voyais lové contre elle à l'abri des marées et des sables mouvants.

C'était tout cela que je ressentais en un imperceptible battement de ses cils. Tandis que son regard bleu nacré approfondissait son emprise et creusait un peu plus mes entrailles, elle me dit à voix basse et grave, d'un ton parfaitement assuré.

- Ce soir, tu rentreras dans ta chambre d'hôtel après ta journée de travail. Tu te déshabilleras. Et tu débuteras la première page de mon journal intime. Tu écriras, nu, sans chercher à te cacher. Tu me diras qui tu es. Ensuite, tu iras te branler comme le joli putain que tu es.

Je n'ai pas revu Vous depuis qu'elle a prononcé ces mots. Elle s'est levée et est partie, me laissant seul, assis sur un banc, au bord de la Charente, dans un jardin désert, couvert par le chant des oiseaux du matin, un ciel jaune orangé, chargé des sables du désert.


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Mardi 15 mars 2022

Civray

Hôtel du Commerce

Chambre 4


Vous,

me voici à votre journal intime 

Je suis nu et je vais vous dire qui je suis.

Je ne sais pas qui je suis.

Tout à l'heure, j'étais l'homme de bien qui voulait être profondément à votre écoute. Tout à l'heure, j'étais l'enfant qui voulait échapper à l'ogre tout en souhaitant m'abandonner à votre festin. Tout à l'heure, j'étais stupre, vice.

A cet instant, je suis votre joli putain. 

Et je m'apprête à me branler, pour moi, pour Vous.

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