J’ai
peur de souffrir, j’ai peur d'avoir mal. La lame est entre ses mains.
Et ce sont mes craintes qui se dissolvent, brulées par l’acide propulsé
par mon cœur. Lâche il y a peu, serein désormais, comme une mer enfin
apaisée, comme un lac clos. La lame se déplace, elle la pose sur ses
doigts, et je regarde Mara, ma Reine. Agenouillé, absorbé par la
magnificence de cette femme que je chéris plus que mon souffle. La
pulpe de ses doigts est fine, elle est douce sur ma peau tant ses mains
peuvent me cuire. La lame se met en mouvement, un geste décidé,
maîtrisé, net et précis. Instantané. Une fine rizière de sang, elle
afflue de ses doigts avivés. La vie coule. J’observe le rouge, il se
propage, je contemple comme l'on regarde le rivage, présent et absent.
Ma main se tend. Elle la prend. Pose la lame sur les extrémités de mon
corps. Pulpe épaisse et sale de mes journées de galère. Elle coupe,
glisse, coupe la chair. Ma vie est à nue. Elle est à mes côtés,
agenouillée tout comme moi. Sa langue cicatrise la plaie, lèche le sang
qui s’enfuie de ma main. Elle me soigne. Me nettoie. M’aime. Un baiser
de sang pour faire prendre corps, prendre forme, esquisser nos vies
jusqu’à nos morts. La chaleur de ce sang, pour enfin nous aimer.
Échanger nos vie, les couler l’une dans l’autre. Mêler nos chairs.
Noyer nos vie dans ce baiser de chair et de sang. Nos peaux changent,
colorées, nuancier rouge arco iris. Je sens la vie qui me propulse,
pulser en moi. Cicatrices réceptacles. Un amour intuitif inauguré au
sceau de nos baisers sanguins. Ivre d’absynthe, comme une potion,
pénétrant les chairs, inondant nos tissus. Dans ces rêves, nous vivons
tous.
Détourné de "Vers la chambre close"
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