Accéder au contenu principal

Un film de Claude Lelouch

Les nuages s'accrochent aux montagnes, l'instant d'après on devine la lumière du soleil sans ne rien voir de lui. Entre chaleur et humidité. J'aime ce temps qui évolue sur la tranche. On ne sait pas s'il va pleuvoir ou si les vestes devront être remisées au bras. Ces nuages qui défilent et se délitent, s'amassent et se vident. Je pense à S., à la vie de S., à l'une des photos de S. Depuis cette photo, j'ai longtemps traversé la gare de Grenoble en fin de journée en me disant, je vais la croiser. Elle va descendre du TGV. Elle sera là, devant moi et, quelle joie ce sera pour moi, quelle immense joie de pouvoir la regarder tout ému de ce hasard. Elle ne me dirait sans doute jamais qu'elle pourrait être de passage ici. Quelques êtres se croisent. Est-ce à dire que nos vies se sont croisées ? S., cette nuit où tu m'as dit que tu savais que jamais tu n'aurais d'enfants. Mon cœur a voulu te dire, moi je te ferai cet enfant. Comme un élan, un besoin de te dire ces mots insensés qui n'ont pas été prononcés. Tu es une personne déterminante dans ma vie. Oui. Tu le sais, même si tu ne vois pas très bien en quoi. Le peu de temps que j'ai passé à tes côtés m'a fait prendre conscience que ce que je croyais n'avoir pas choisi, je l'avais choisi. Laisser les choses s'imposer à soi, se laisser porter par le mouvement, c'est choisir de se laisser porter. Je me noyais dans quelque chose que j'avais créé. A quoi bon rejeter la toile quand l'on n'a pas même pris les pinceaux pour la peindre. Alors j'ai pris mes pinceaux, j'ai dessiné comme j'ai pu, poser des couleurs qui n'étaient pas toujours les bonnes avant de trouver enfin le bon mélange. Depuis j'ai marché de Grenoble à Cahors. Dans 3 jours, je reprendrai ma marche où je l'ai suspendue il y a deux ans.

Te souviens tu aux invalides ? J'aurais aimé t'avoir pour amie. Prise au dépourvu, plus tard, ce fut la Saint Nicolas avec tes proches et cette nuit qui déboucha au petit matin sur quelques plaisirs. Tu savais qu'il en serait ainsi. Moi, je n'en savais rien. Au matin, tu étais si lointaine. Un trait venait sans doute d'être tiré. Un trait que je ne comprenais pas. C'est cela qui m'a fait prendre conscience que j'étais en attente de quelque chose que je ne devais pas attendre. J'attendais de toutes ces rencontres un retour. Que ce retour soit ou ne soit pas, il ne résolvait rien. Toi, tu n'attendais rien de cette rencontre. La soirée avait eue lieu, la nuit avait eu lieu, le petit matin avait eu lieu. Face à la fenêtre, le regard perdu dans la rue parisienne, tu avais sans doute tourné une page, quelle que soit cette page. Avant que la neige ne se mette à tomber sur Lyon, la page était tournée et j'étais bien avec toi. Je ne me sentais pas tout à fait à la hauteur. Tu parlais beaucoup de ton travail, mais c'était simple de mâter ton joli cul tandis que tu marchais dans le restaurant. Au moment de t'abandonner à Perrache, tu es revenue vers moi,  ta fraicheur spontanée aux lèvres, tu m'as entouré de tes bras et as simplement posé tes lèvres sur les miennes avant de repartir d'un pas léger alors même que mon cœur sentait le vertige. Je venais de tourner une scène de cinéma, celle d'un film de Claude Lelouch. Un sms me confiera que tu aurais aimé passer cette nuit avec moi, pourtant tu filais dans les bras d'un autre. Je souris aujourd'hui. Un sourire tendre et ému sans doute aussi. Je ne sais plus grand chose de toi. J'espère que tu trouves ton chemin, je te le souhaite de tout cœur. Je crois avoir trouvé le mien.

Commentaires

  1. Il y a beaucoup de pudeur et d'émotions dans cette lettre ouverte .La lectrice anonyme que je suis a souri aussi dans la tendresse des mots posés .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de pudeur. S'il y en avait beaucoup, je n'aurais peut-être pas confié tout ceci. Et puis, je ne crois pas que ce soit une lettre ouverte. J'ai vu des nuages, et j'ai eu envie d'écrire ces sentiments et pensées qui m'ont accompagnés par le passé.

      Supprimer
  2. Toujours cette sensibilité qui émeut. Jolie confidence tout doucement écrite...

    RépondreSupprimer
  3. En passant, j'ajoute aussi mon sourire à celui d'In Amore e Mente...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et il est comment votre sourire ? genre fille des blogs ?

      Supprimer
    2. Il est parfait. C'est la seule chose parfaite chez moi, mon sourire. (Ou du moins, la seule chose contre laquelle je n'ai rien à redire... ;-))

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Le chemin et la terra incognita

  Hier, je suis rentré du chemin retrouver les miens. Douze jours loin d'eux. Douze jours sur mon chemin. Cette année, j’ai passé sur le chemin dix jours seul, et j'étais merveilleusement bien. Cette année, j'y ai passé aussi pour la première fois deux belles journées et deux nuits fauves toutes particulières, et c'était naturellement et vicieusement merveilleusement bien, j'étais bien avec elle. J'étais bien avec toi. C’était bien d’Être avec toi. J’ai débuté ce chemin, il y a treize ans après une crise profonde au sein de mon couple. Pendant ces treize ans, je crois pouvoir dire être devenu l’homme que je voulais être. Nous avions à cette époque, douze années de vie commune derrière nous et une petite fille de deux ans. J'avais tellement vécu pour toi et pour les autres que je ne savais pas qui j'étais. Depuis, si ce n’est l'année de naissance de mon fils il y a dix ans, deux années calédoniennes, et deux années sous cloche sanitaire, j’ai arpenté ...

Linoléum

Dans l'ambiance masculine du restaurant, je regarde ses yeux. Ils sont chocolats et me disent ce qui est écrit sur ses boucles d'oreille. A côté de nous, deux hommes et une vieille dame. Je partage avec elle une cervelle de canut et une salade de lentille. Port de moustache autorisé, je me mets à regretter l'ambiance enfumée qui a du accompagner ce lieu si souvent. Pourtant je ne fume pas, je n'ai jamais fumé. Elle parle, bien plus que moi et bien mieux que moi. Je souris. Ces cheveux roux me rappellent sa nuque, l'implantation de ces cheveux dans sa nuque que j'ai trouvée si belle quelques semaines avant. Je ne lui connais pas de collier mais suis certain qu'elle les porterait parfaitement. Soudain, elle m'interrompt, se lève. J'ai l'impression que tout ce que je peux dire de sérieux est terriblement ennuyeux et quelconque. Ça n'est qu'une gêne passagère, je suis bien. Mes yeux se portent sur ses jambes. Je ne distingue pas ses bottes...

Un monde en soi

Chaque chose était vivante. Chaque chose était mémoire. Chaque objet était une part d'elle. Chaque objet était elle. Elle était ces objets. Ils étaient elle, sa propriété, son domaine, son monde à elle. Disposer des choses était une nécessité absolue de sa vie. Les faire siens c'était maîtriser un monde, un univers qui lui était propre, univers secret, inconnu, inabordable pour quiconque n'aurait pas été dans sa peau ou dans sa tête. Qui saurait déchiffrer le sens que prenait pour elle cette large tête sculptée qui trônait fièrement à proximité de son lit ? Travaillée dans un bois de noyer aux teintes ambrées, cette crinière sauvage prenait à ses yeux l'écho d'une chevelure de femme s'ouvrant partiellement sur le front équidé d'un animal aux naseaux puissants et au regard fier, un regard porteur de mythes aux chevauchées et aux combats fantastiques. Qui pouvait comprendre que l'anthracite et le gris de lave des tapis épais qui gisaient en rectangles séq...