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Le refuge des bêtes

Entends-tu ? Entends-tu ces bruits ? Je les reconnais. Ce sont des râles, des râles de bêtes fauves. Des sacres d'hiver, des fins de saisons s'acheminant vers ce néant qui m'engloutit quand je te baise. Baise. Baise. Susurre moi ce mot là. Baise. Lèche le sans fin, lisse mes poils avec, caresse moi de tes jolies pates tachetées de lumière. Dépare moi de ma mue. Entends-tu ces mugissements de diable ? A chaque étreinte de ton corps, les voilà qu'ils se révèlent, qu'ils se réveillent. Je t'ai prise comme un diable, j'ai fourré ton con de ma queue drue et luisante. J'ai blanchi ton tréfond et rougi ta peau. Mordu ton cou tandis que je labourai ton cul. Je perds la raison à trop te malmener. Est-ce toi que j'aime ? Est-ce te malmener que j'aime ? Baise vitriol, heures volées à la nuit avant même qu'elle ne tombe sur nous et nous engloutisse.

Je ne marche plus dans la rue. J'ai peur du regard des autres. Je préfère m'enfuir à la nuit tombée. Monter quatre à quatre les marches de la montée de Chalemont, avaler les 1648 marches et finir par m'évader dans la montagne. Le jour, je te prends à ma guise. La nuit, je m'évente, me déguise de peaux. Je me rends à la nature, je fuis ma nature humaine. Entends-tu mes cris par delà les toits ? Quand je hurle ma faim ? Quand j'époumone mon plaisir en me branlant nu dans les pâturages qui dominent la ville ? Quatre fois, cinq peut-être. J'en perds le compte et les feuilles n'en perdent pas une goutte. Entends-tu comme je vais te mettre quand le jour se lèvera ? Je ne vais plus au travail. J'ai jeté mon costume. Mes chemises aussi. Je vis nu. La nuit je furète dans les sentiers la queue pendante, cherchant les glands. Dans la lèvre, les peaux fendues, en sang de trop t'avoir bouffé la chatte au grand jour. Le grand méchant loup. Humant les odeurs de terre. Au petit jour, je m'introduis chez toi. Je fonds sur toi. Nu, la queue dressée. Les doigts souillés de terre. Des marques sur ton corps. Toi suçant mes doigts, aspirant la terre, lavant ma peau de ta langue. La nuit, tu sors. La nuit, tu bosses. La nuit les désosse tous, ces âmes perdues qui s'écroulent dans les vapeurs de l'alcool. Toi leur reine.
J'ai laissé en entrant sur ton seuil quelques musaraignes éviscérées. Le soleil n'a pas eu le temps de les réchauffer. Elles sont fraiches, tendres bouchées. Les trouveras-tu ce soir en sortant ? ou d'autres chat te les auront elles volées. Le masque s'étiole de nuit en nuit. Mon visage s'enlaidit de nuit en nuit, je sens pousser ma queue. Dans le miroir il n'y a plus d'âme. Il y a l'homme-loup. Des odeurs de cuir qui te montent au nez. Des parfums de bêtes mouillées qui se frottent contre tes seins. Des noms qui n'en ont plus. Des mots qui n'en sont plus. Des râles qui se répètent en écho aux mots dans nos têtes. Et nos visages qui s'effacent. L'homme-loup. Que tu accueilles entre tes cuisses. Que tu espères bestial. Queue qui s'endort après l'effort. Qui se réveille avec envie. Qui te saute à nouveau dessus, et encore, et plus encore. Je te saute. Je te baise. Je te bouffe mon retour en enfer. Je te mange et te laboure. Te savourer ne me plait plus. Je te dévore et t'avale, croque, déchire, lacère. Etouffe ton visage de mes saveurs de terre. Je pars chasser, les sommets me tendent les bras, le millefeuille craquant sous mes pas. Au jour levant, mes crocs retrouveront refuge.

Commentaires

  1. C'est vraiment très beau et un très beau style qui parle bien de Nature et de Sauvage,

    Ravi de lire cela!

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  2. Je viens de relire ce texte. Je le trouve toujours aussi puissant...

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