Accéder au contenu principal

Le feu bleu

Comme chacun, je vis dans la terre. Dans les galeries, dans les sous sols, dans les cavités, dans les replis de la terre nous vivons, cachés et préservés par la morsure de l'astre de feu. Nous vivons ici depuis des temps immémoriaux. Nos racines sont profondes. Nous vivons en harmonie au sein de l'alliance de la félicité des clans. Nous grattons le sol, la terre, nous trions les pierres que nous entassons sur le bord de nos galeries pour fouiller plus loin et trouver de nouvelles pierres, dégager de nouvelles voies, permettre l'extension de notre petit peuple de la terre. Toujours plus loin. Glaise, schiste, terre noire, terre rouge, terre, terre, terres et pierres. En toutes directions. J'appartiens au clan de ceux qui trient et sculptent les pierres. Outillage pour nos cultures souterraines, objets cérémoniels pour nos coutumes, étais pour nos galeries, pierres de voûte pour nos demeures, protections contre les inondations des mauvaises saisons, armes contre les clans mauvais, fétiches pour nos unions.

Je suis le gardien du feu pour mon clan, sculpteur des fétiches protecteur de l'union. Celui à qui l'on donne une once de vie. Celui qui permet de placer le feu bleu dans la pierre jade. Celui à qui chacun donne l'amour pour que je puisse placer le feu bleu dans le totem de pierre. La lumière qui couvrira les amants pendant l'union rituelle. Je bois la semence des hommes. Je bois l'eau des femmes. Je bois la vie qu'ils m'offrent. Je les bois pour que le feu puisse devenir bleu dans le jade que je façonne. Sans le feu bleu point d'harmonie au sein des amours que le clan doit tisser. Le pouvoir des clans se mesure à la force des feux bleus. C'est notre lumière, notre jour. Sans feu bleu, point de vie pour nous le petit peuple de la terre. Chacun se doit de l'entretenir en multipliant le partage des plaisirs. Tous s'y astreignent. C'est un honneur que j'accueille et préserve par la chasteté liée à ma fonction. Je suis vierge de sexe, empli d'amour et lien de plaisir. Au sein des clans, aucun ne peut partager la chair sans que leurs âmes n'aient été liées par mon fétiche et le feu bleu.

Orpe est le plus aimant d'entre nous. Orpe est lié à chacun des êtres du clan. Orpe est notre guide. Notre pierre boussole. J'aime le goût de sa semence lorsqu'il s'apprête à ouvrir un nouveau lien. J'aime la vitalité qui inonde ma bouche lorsque je prends soin de faire vivre toute la puissance de son âme, lorsque je la recueille en moi pour plus tard venir éclairer le fétiche de la pierre d'amour et du feu bleu. Cette union de la terre et de l'air que je créerai pour lui et pour l'autre qui l'a choisi. Il incombe à l'être au pouvoir moindre de choisir l'être au pouvoir fort. Ainsi parlent les racines de notre petit peuple. Ma semence jouissance fécondera ensuite le feu bleu lorsque l'essence de l'être lien, l'être au pouvoir moindre, l'être féminin, fémilin, masculin ou mascunin me sera à son tour offerte dans la plus pure passion. Hier j'ai retrouvé le goût salé et le parfum puissant, presque intenable de l'étrange Ertre. Être fémilin, gardienne de la coutume s'est abandonnée à mes lèvres en un cri qui est venu peindre ma face de la sève rouge de son ventre comme de l'eau onde de son être. J'ai fécondé pour eux ensuite la pierre. Le feu promet d'être d'un bleu azuréen, rare présage d'un partage fondateur pour le clan.

Lorsque la pierre s'est illuminée j'ai ressenti une étrange lumière en moi. Depuis que je suis en âge d'être le gardien du feu pour mon clan je n'avais jamais ressenti cela. J'ai dû mal encore à le décrire. Le feu créé pour Orpe et Ertre est devenu vie devant moi.

_ Luz, m'a t'elle dit. Je m'appelle Luz.

J'étais parti loin de mon clan pour trouver de nouvelles pierres jades à tailler. Le chemin est long et pentu. Plus on monte vers elles et plus la température est fraîche. J'ai senti un étrange parfum, la terre cédait la place à quelque chose de plus léger, plus volatile aussi. J'ai cherché. J'ai suivi cette étrange trace olfactive.
Elle était campée là devant moi. Elle me distinguait à peine semblait il. Sa peau était cachée par d'étranges choses épaisses. Elle ne pouvait venir d'aucun clan du petit peuple de la terre. C'était impossible.
C'est impossible.
Impossible.

Elle ne peut être la lumière de la légende. Il y a une légende dans les racines du petit peuple de la terre. Une légende qui dit qu'un féminin donnera naissance au peuple de la lumière, qu'elle fera fleurir la terre, qu'elle donnera la couleur au monde, que de son ventre tissé dans l'ultime lumière bleue naîtra ce nouveau peuple sur la terre. Alors le petit peuple de la terre s'enfoncera à tout jamais dans son ventre, disparaissant de toute mémoire. Soufflant la dernière lueur bleue, less'ouvrirony sur une voûte parée de millions de scintillement et sous un nouvel astre.

Elle s'appellera Luz et aimera celui qui en premier recevra l'offrande de son nom. La première lignée de Luz sur le terre, la dernière lignée du petit peuple sous la terre.

Je suis parti en courant. J'ai hurlé. J'ai trébuché. Tombant sur une pierre de mauvais présage. J'ai perdu connaissance. Mon clan m'a retrouvé paniqué, ne parvenant plus à trouver le chemin de notre galerie. Ertre m'a soignée des jours durant. J'ai peur. Je suis le gardien du feu. Je suis le gardien du feu. Je dois préserver le feu bleu. Je suis celui qui fonde les unions. Je suis le gardien du feu. Celui qui permet l'amour. Je n'arrête pas de me répéter en boucle ces phrases. Je n'ai bientôt plus de pierres de jade, plus de fétiches pour recueillir le feu bleu. J'ai peur de retourner la où les pierres cérémonielles sont. Je ne veux pas voir mourir mon peuple. Je ne veux pas que le feu bleu prenne fin.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

PornographieS

 Texte écrit pour le thème du mois de juillet 2024 "Pornographie" du groupe fetlife "Passion Écrire" ---------------- # Porno \pɔʁ.no\ Adjectif. Relatif à, qui appartient à la pornographie ou à l'extrême violence. Caractère obscène d'une oeuvre d'art ou littéraire. Nom masculin. Film pornographique ou d'extrême violence. Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées Porno vice, porno star, sur le canapé les yeux ébahis. Je veux voir. Voir ce qui ne se voit pas. Toujours regarder, sans plus cesser. Des hommes, des femmes, des cris et des râles, simulés, amplifiés, réels, au-delà de l'écran, le néant, l'anéantissement de toute volonté. Le néant qui dévore sans fin, qui te mène en bordure de toi, qui t'empare et te désempare. Panti...

Je veux sucer

 J’aimerais sucer ma bite. Elle est douce, sa taille est sobre, elle est chaude et la caresser fait fleurir en moi toujours une sorte de quiétude, d’abandon serein et parfois d’excitation fiévreuse. Elle tient dans le creux de ma main. Le pourtour du gland est délicatement ourlé, il prend de l’ampleur après avoir joui. Elle m’apparaît démesurée dans le désir plein, lorsque je ne veux qu'une chose, jouir à n’en plus pouvoir. À la base du gland, le frein est formé d’un amas de chair, tendre et malléable, héritage de l’enfance et de la circoncision tardive, petit amas de chair aux sensations fulgurantes. Queue sensible à la moindre émotion. Je me saisis parfois du frein et le tire pour emporter toute ma chair. L'entrée du conduit urétral est une invitation à fourrer une langue. Lorsque la fièvre me prend c'est mon petit doigt que je viens parfois fracasser dans mon gland, l’aplatissant par le haut. Forcer le passage n’est pas une veine masturbation, dans ce délire là, quand il...

Deux peaux

 Deux corps exténués par la longue journée de marche. Ils ne se sont pas mélangés sur le chemin, se frôlant par instant, se touchant par accident aussi, s’éloignant, se retrouvant, tanguant au gré des pas, pris par la houle du mouvement. Deux corps, deux êtres singuliers, différents, se reconnaissant sans trop de mots et se trouvant par instant, se rapprochant pas après pas, le temps s’écoule en nuages, en pluie, en forêt d’eucalyptus, en chatagnier séculaire, en paroles confiées, en moments de vérité. La pluie tombe, sous l’abri, ils se plongent, prennent soin dans l’allongement du jour, l’un de l’autre. Del cielo cae agua. Lluvia poderosa. Lavame lamente con agua fria. Y saca la pena de mi memoria. Deux corps l’un contre l’autre après une journée sous les nuages au bonheur de trouver les choses belles, simplement belles, possibles, souhaitées, sans trop de mots. Dans l'alcôve, bercé par le fracas des vagues sur la plage, dans la chaleur réconfortante de la chambre, une peau contr...