Dans les sous bois loin et plus au nord, les pas ne se comptent pas. Déposés sur la terre l'un après l'autre. Terre meuble. Terre affable. Terre dure. Il y a toujours les herbes. Les plantes folles. Les pousses drues et les pieds de marmite égarés qui sous nos pieds percent la peau et mordent les nerfs. Les fougères, arborescentes sur la rivière bleue, argentées dans l'île du Sud, capillaires du Canada, scolopendres rampantes, femelles souvent et toutes celles que je ne sais nommer, et celles que parfois je sais être. Campanules peut-être, violettes en cloche, gueules de loup, digitales pourpres, trolles d'Europe, langues de chat ou perce neige, cotonneuses ou duveteuses, volantes au gré des vents. Dénude-toi ici. Entre les plants de myrtilles et les rhododendrons, entre les ronces mûres et les framboises forestières, au milieu de l'odeur de pisse et des parfums plus doux. De tes pieds nus, foule le sol jonché de fraisier sauvage. Saccage-les et répands leur sang d'airelle sous la voûte de tes pieds, de tes seins, sur ta langue, ma langue et ton con. Ne bouge plus. Penche-toi, pédoncule pour ma tige, attrape-mouche carnivore. Je vais te dévorer à m'en liquéfier, me noyer enlisé dans tes sucs vénéneux sur le tréfonds du sabot de Vénus. Tu es celles-ci. Nous sommes le vivant et le putride. Les couleurs et le noir de la nuit. Sous ton poitrail, en plein cœur, sème le pistil tremblant de mes songes affamés. Serre taille entre deux fourrés, forrés renoncules au-delà des racines, racines terreuses, glaises, d'étreintes rudes et tranchantes comme les pierres vernaculaires accumulées en tumulus par des siècles de petites mains, besogneuses, rageuses et décharnées. Ouvre-moi le poison de ta sève. Sève bouillante, sexe coulant, sables mouvants et marais salants. Frappant de toutes mes forces le tronc, déchiquetant ton écorce d'un appétit féroce, s'épouillent les feuilles canopées, amoncellement de feuilles mortes sur lesquelles chutent la semence de ma vie. Chaude. Laiteuse. Terrifiante. Hurle s'il le faut, mais alors fais-toi bruit végétal, au plus profond des bois, là où les clairières n'ont plus cours. Là où les ruisseaux sont de glaces et la mousse lit, nos lèvres lichen et nos sexes chênes.
Hier, je suis rentré du chemin retrouver les miens. Douze jours loin d'eux. Douze jours sur mon chemin. Cette année, j’ai passé sur le chemin dix jours seul, et j'étais merveilleusement bien. Cette année, j'y ai passé aussi pour la première fois deux belles journées et deux nuits fauves toutes particulières, et c'était naturellement et vicieusement merveilleusement bien, j'étais bien avec elle. J'étais bien avec toi. C’était bien d’Être avec toi. J’ai débuté ce chemin, il y a treize ans après une crise profonde au sein de mon couple. Pendant ces treize ans, je crois pouvoir dire être devenu l’homme que je voulais être. Nous avions à cette époque, douze années de vie commune derrière nous et une petite fille de deux ans. J'avais tellement vécu pour toi et pour les autres que je ne savais pas qui j'étais. Depuis, si ce n’est l'année de naissance de mon fils il y a dix ans, deux années calédoniennes, et deux années sous cloche sanitaire, j’ai arpenté ...
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