Accéder au contenu principal

Là où les clairières n'ont plus cours

 Dans les sous bois loin et plus au nord, les pas ne se comptent pas. Déposés sur la terre l'un après l'autre. Terre meuble. Terre affable. Terre dure. Il y a toujours les herbes. Les plantes folles. Les pousses drues et les pieds de marmite égarés qui sous nos pieds percent la peau et mordent les nerfs. Les fougères, arborescentes sur la rivière bleue, argentées dans l'île du Sud, capillaires du Canada, scolopendres rampantes, femelles souvent et toutes celles que je ne sais nommer, et celles que parfois je sais être. Campanules peut-être, violettes en cloche, gueules de loup, digitales pourpres, trolles d'Europe, langues de chat ou perce neige, cotonneuses ou duveteuses, volantes au gré des vents. Dénude-toi ici. Entre les plants de myrtilles et les rhododendrons, entre les ronces mûres et les framboises forestières, au milieu de l'odeur de pisse et des parfums plus doux. De tes pieds nus, foule le sol jonché de fraisier sauvage. Saccage-les et répands leur sang d'airelle sous la voûte de tes pieds, de tes seins, sur ta langue, ma langue et ton con. Ne bouge plus. Penche-toi, pédoncule pour ma tige, attrape-mouche carnivore. Je vais te dévorer à m'en liquéfier, me noyer enlisé dans tes sucs vénéneux sur le tréfonds du sabot de Vénus. Tu es celles-ci. Nous sommes le vivant et le putride. Les couleurs et le noir de la nuit. Sous ton poitrail, en plein cœur, sème le pistil tremblant de mes songes affamés. Serre taille entre deux fourrés, forrés renoncules au-delà des racines, racines terreuses, glaises, d'étreintes rudes et tranchantes comme les pierres vernaculaires accumulées en tumulus par des siècles de petites mains, besogneuses, rageuses et décharnées. Ouvre-moi le poison de ta sève. Sève bouillante, sexe coulant, sables mouvants et marais salants. Frappant de toutes mes forces le tronc, déchiquetant ton écorce d'un appétit féroce, s'épouillent les feuilles canopées, amoncellement de feuilles mortes sur lesquelles chutent la semence de ma vie. Chaude. Laiteuse. Terrifiante. Hurle s'il le faut, mais alors fais-toi bruit végétal, au plus profond des bois, là où les clairières n'ont plus cours. Là où les ruisseaux sont de glaces et la mousse lit, nos lèvres lichen et nos sexes chênes.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Malemort

Dans la clarté de la nuit des songes en nuées là la Malemort où je ne sais quoi sort s'étire et s'enchâsse s'enlace jusque sous ta gorge griffant mordant soufflant le chaud et le froid sur la peau fine écarlate prête à geindre en mille éclats de lunes en ta face putasse ta queue branlée tes bourses lourdes mises à mal pour le long voyage la malle poste et ta tête branlante riposte étouffe entre les cuisses la douceur de la peau le tendre abrasé par ta barbe impropre parsemée de l'odeur forte de son con tant de fois baisé sous le lit des pinèdes qui là te font suffoquer ahaner en grande goulée giboulée et bâillon de bave embrassées nage nage petit poisson poisseux visqueuse bite guerre de tranchée perdue avant que la messe ne soit dite car l'avant fut fessé pris engouffré pénétré fouetté mâle mené foutraqué fourré comme jamais quatorze queues putargues avalées pour te voir plus tard t'affaler offert lustré ta sueur suie blanche crasseuse épaisseur criante et ton

Un répit

 L'un contre l'autre, assis dans le salon. Lumières éteintes. Quelque chose comme trois heures passées minuit. Les lueurs de la vie. Les solitudes choisies, subies. Tes mains qui me massent, nous apaisent. Le dos se dénoue. La colonne s'abandonne. Je sens ton envie. La mienne naît ainsi de la tienne. Je ne dis rien. Je ne suis pas même certain de le vouloir. Pourtant je le veux. Mais je crains l'après. Est ce que cela effacera l'avant ? Est ce que cela effacera le dernier mois ? Ce serait plus simple, mais je ne veux pas que cela efface. L'amnésie et l'oubli pour ceux qui craignent. Je suis capable de cela. Mais je ne veux pas. Alors tu demandes. Je dis oui, j'ai envie. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je ne sais pas si cela compliquera plus encore. Je dis cela, et je dis j'ai envie. Et tes mains continuent à glisser sur ma peau. Et tes seins, et ton ventre, et ton bassin, collés contre mon dos. Je bande. Depuis longtemps déjà. Depuis que

La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

  Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954 —-----------   Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes. Restons en bordure. Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l&#