Je m'imagine très bien cette attente. Les jours précédents n'auraient été que torture. Y aller... S'abstenir... Mes nuits auraient été encombrées de visions toutes plus érotiques les unes que les autres... vous embrasser sans attendre que vos lèvres ne prononcent le moindre mot... vous déshabiller délicatement... vous contempler dans un silence apaisant... vous caresser sans vous laisser aucun répit... vous envouter... vous surprendre... vais je le faire... en suis je capable ?
Tout se serait brouillé dans mon esprit, vous, moi, nous, mes mains, vos reins, votre chevelure, mes lèvres, vos seins, mon torse, nos sexes, votre lune, votre peau, votre odeur, mon désir de vous posséder, votre envie de vous offrir... confusément chaque seconde passée me rapprocherait un peu plus de vous.
Jusqu'au jour où... je me lève après une nuit agitée de rêves culpabilisants, c'est le jour du rendez vous, je ne sais toujours pas si je vais venir... je prends ma voiture pour faire le trajet quotidien du travail. Je ne sais toujours pas. Le ciel est encore sombre. La lune est toujours là, pleine, étrangement irradiante, elle se cache derrière les montagnes, son aura entourent leur crête... c'est décidé la vie est bien trop belle pour ne pas en profiter...
Je n'irai même pas travailler, direction Lyon pour m'imprégner d'une journée de liberté, pour m'autoriser à ressentir, à vibrer du moindre signe de vie, le bonheur, inspirer, emmagasiner, accumuler, rajouter une pierre à l'édifice, faire abstraction de mon quotidien, le temps d'une journée être libre, libre pour elle, libre des autres, libre, être moi ... je m'oblige à ne penser qu'au bonheur, une terrasse ensoleillée, quartier St Jean, lieu chargé d'histoires, j'observe les passants, hommes ou femmes, touristes, hommes d'affaire, business women, gens simples, enfants, ainés... je ressens la ville, je la vis, je laisse vagabonder mes pensées, le temps passe, je marche, je rêve... je trouve un petit square, havre de paix, je m'allonge sur l'herbe et je me mets à regarder le ciel... en ne faisant rien d'autre que de jouer avec les quelques nuages qui passent doucement.
Finalement l'heure du rendez vous approche, je dois me mettre en route, j'entends mon coeur, il bat, il raisonne, plus j'avance vers ce lieu et plus je l'entends. Plus le temps s'égrène et plus le rythme s'accélère. Je me demande si vous êtes là, je regarde les femmes que je croise en recherchant dans leur regard l'étincelle de vos pupilles, aucune d'entre elles n'irradie mon espace, elles ne sont pas vous.
Je suis devant l'hôtel, je suis arrivé porté par je ne sais quel rêve, je rentre, presque automate, sans me poser plus de question. Je demande la clef que vous m'avez réservé, on me tend un colis, m'indique la direction à suivre. L'ascenceur. Le couloir. Des portes. Un numéro. J'entre. Un voile cache le paysage. Tout est silencieux. J'ouvre la boite, mes mains se posent sur un tissu de satin pourpre, doux, lisse, froid. Je le rapproche de mon visage. Il est parfumé. Irrésistible. Je me surprends à y déposer un baiser. Le garde distraitement, enveloppant ainsi ma main.
Je tire le voilage. Le soleil m'illumine. Vue sur le Rhône étrangement assagi. Cette fois je n'ai plus rien d'autre à faire qu'attendre. Et mon coeur se met à nouveau à donner le tempo. J'ai froid. Mon ventre se tend. Je tremble. Repris par ma timidité adolescente. Impossible de faire cesser ces signaux émotifs. Je ne saurais à cet instant parler sans trahir la tension qui vient de m'envahir si subitement.
Le bruit d'une poignée, la porte s'ouvre, se referme. Je ne bouge pas. Dos à l'entrée. Le monde face à moi. Mon rève dans mon dos. Mon corps se raidit. Je tente toujours en vain de faire cesser ces tremblements qui me parcourent de part en part. Toujours incapable de parler. Le parfum n'est plus uniquement sur cette pièce de satin qui ceint ma main, il m'enveloppe, présence étrangère, ni apaisante, mais dangereuse et amicale.
Vous vous serrez contre moi. Une main contourne ma hanche gauche et se pose sur mon ceinturon. L'autre passe sous ma veste et remonte sur mon torse. Votre souffle est sur ma nuque. Je ferme les yeux. Ma main se pose sur votre main, nos peaux séparées par le satin parfumé. Je n'ai plus froid. Je suis bien. Je me retourne. J'ouvre mes paupières. Je vous vois. Nos regards s'accrochent l'un à l'autre. Nos lèvres se joignent. Ce n'est plus mon rythme, ça n'est plus mon temps, c'est nous.
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