Et
elle rit comme on dit que le diable rit. Elle rit dans son odeur qui
soûle, dans ses bouffées, sa touffeur. Quoi qu’elle me propose
pour la suite, je sais que je n’aurai ni la force ni l’envie de
lui résister.
Jacques
Chessex – L’Éternel sentit une odeur agréable
Petite
chapelle perchée sur le promontoire qui domine la vallée. Pour y
arriver, il faut traverser quelque bois épais. La nuit, les
broussailles alentour frémissent d’inquiétants mouvements
indistincts. On ne s’y aventure que la foi bien accrochée au cœur.
Une
lourde porte et les cierges qui caressent de leurs flammes les murs
épais, en pierre séculaire, accueillent les âmes errantes.
Les
psaumes des hérétiques s’y mêlent au chant du vent. Mots crachés
sur la croix, sur le marbre, sur les bancs pieux, sur les traces que
les genoux ont laissées - autant de prières au pied de l’autel où
trône une vierge souillée par leurs langues.
Un
immense cierge brûle dans un coin. D’autres l’accompagnent
palpitants, éparpillés partout, à même le sol froid. Il y a
l’odeur de cire qui excite et leur humide chaleur qui colle aux
peaux.
Dans
la flamme du cierge, brûle le corps païen que l’homme baise des
yeux. Il dit à sa catin des mots. Tous ses mots, à la rendre
impure, à alourdir son ventre d’écume, à ensemencer dans son
sexe les frissons de la langue-putain. Elle rétorque en jouant, en
riant.
-
Oh, tu brûleras en Enfer, mon Ange, et rien ni personne ne guérira
tes brûlures, sais-tu ?
-
Peu m’importe. Puisque je brûlerai avec toi, veux-tu ?
-
Par quel bout brûler avec toi ou ramper
dans la fange, fouler ce qu’on adore ?
-
Commençons par le pied. Le bout des pieds. Puisque je suis dingue et
que tu m’es pareille. Puisque d’un pied à l’autre, il y a de
l’espace pour la prosternation, pour la prière toute basse sous le
dôme des chairs. Dis-moi ce que tu peux faire de trouble avec tes
petits pieds,
tandis
que je baise ceux, dénudés, de cette vierge de marbre.
Inspire-moi.
La
flamme palpite. Les lèvres se posent, délicates, sur les pieds nus
et glacés. La vierge les regarde, impassible, de marbre. Froide,
autant qu’ils sont brûlants.
-
Tu voudras que mes orteils brûlent au bout de ta bite, qu’ils
l’enflamment, qu’ils aillent frôler la peau froncée de tes
couilles. Tu voudras que je te dise quel beau doux dingue tu fais,
là, devant cet autel où la vierge est pleine de grâce, la garce !
-
Oui ! Toutes les préversions avec toi, blasphématrice !
-
Mon Homme, je te ferai prier devant la vierge, à ses pieds, pour
mes pauvres péchés
blasphématoires !
Tu me rachèteras, n’est-ce pas ?
-
Je me soumets à tous tes désirs si c’est pour te sauver des
gelures de ta morne saison.
Le
vent souffle dehors et la petite chapelle s’embrase à la lueur des
cires fondues.
Le
souffle des conspirateurs charrie confessions et diableries comme
jamais ces murs n’en avaient eu à entendre. Quels diables de chair
et de sang accueillent-t-ils là où d’autres viennent s’oindre
de sainteté ? Là où d’autres viennent pour s’en aller le
cœur, le pas légers pour avoir de quoi y revenir se prosterner, la
liste de leurs fautes sans cesse allégée et
toujours
plus noircie encore, encore et encore. Ça fait frémir la chair
faible, ces diables-là !
-
Bien. Mes désirs sont sombres, tu le sais. Aussi sombres que les
tiens, toi qui les tais, qui les étrangle. Sommes-nous pour autant
voués à la perdition ? Suis-je vraiment l’abominable
tentatrice venue planter dans ton esprit le doute, semer dans ta
chair les désirs que tu chasses dans ton ermitage ?! Je les
sais…
-
Te sentir tremblante et douce et plonger en toi.
-
… je les sais, légion en toi, je les sais. À la lueur de la
lune, on t’aperçoit souvent t’adonner à d’étranges
exorcismes : tu baises le monde qui vit à tes pieds, en bas,
dans toute la vallée ! À genoux ! Et fais-moi savoir ta
prière à la salope qui fait sa sourde oreille quand je lui demande
pourquoi elle a laissé son fils tant souffrir, pourquoi le Père
abandonne tant, encore! Et pourquoi toi. À genoux, prosterne ta tête
à ses pieds, pour qu’elle puisse, en plus de tes lèvres
brûlantes, sentir enfin ton front coller à ses orteils de marbre, à
elle ! Oui, comme ça ! Prie d’abord, ensuite tu pourras
la baiser, ton idole de marbre. Et, surtout, présente-moi
bien
ton cul, mon putain ! Et prie ! Prie : Jésus, fils de
Dieu, prête-lui miracle, qu’elle devienne femme phallique, là où
le ventre de la femme
frémit...
Prosterne-toi bien, présente bien ton cul à ma verge miraculeuse.
Tu vois, mon ventre frémit… Prie !
-
Sainte Marie, mère de Dieu
Accordez-moi
votre grâce,
Offrez-moi
pénitence.
Qu’en
votre nom, sa langue puisse me lécher longuement.
Qu’en
votre nom, votre fils, Jésus, puisse se joindre à nous.
Qu’en
votre nom, nos plaisirs accèdent à la béatitude.
-
Oui... tu pries ta vierge, mais encore?! N’as-tu pas peur des
flammes, en blasphémant si insuffisamment à ton tour ? Le
diable ne peut se satisfaire de si peu de louanges. Force-toi. Ne me
déçois pas. Ne le déçois pas. Chacune de tes prières à ta
Sainte est une louange à Lui.
-
Oui, ma Dame, de grâce j’ouvrirai mon cul ici, en ce lieu, et tu
me prendras, doucement,
lentement,
et je prierai encore, pour te voir saillie par de beaux molosses,
alors même que tu me baiseras profondément de ton pieux
sacrificiel. Je prierai pour que nos mots et nos regards ne soient
que foutre et délectation, salissure et beauté, pourriture et vie
sauvage. Baise-moi !
La
main baisse le pantalon. Des doigts fins aux ongles rouge vif
finissent par découvrir la chair nue, nue et en attente. Palpe et
caresse et frappe.
-
Prie... Oui, prie... Crie ta prière!
La
main serre les couilles! Rondes. Pleines.
-
Fais de ta prière un gémissement! Voilà mon doigt qui élargit ta
voie, mon doigt qui te pénètre! Prie... Prie encore et j’ouvrirai!
J’ouvrirai tes fesses, j’ouvrirai ton cul au cierge-bite que je
prépare... Oui! Prie. Je te baise!
Les
seins se collent au dos voûté pour que la bouche vienne mordre aux
lèvres, pour que la bite amarrée s’enfonce bien profond dans les
entrailles
offertes de ce cul à déflorer! Les flammes vacillent sous les
souffles. Mais quelle offrande, là !
-
Putain... tu es dingue! - lui crache-t-elle, rageuse, au creux des
lèvres.
-
Putain, ma putain ! Tu es aussi dingue que moi. Enduis-moi la bouche
de ton bâton de rouge à lèvres et regarde-moi sucer ta queue
démoniaque. Regarde comme je m’en joue. Regarde comme je suis
glouton. Regarde comme je ne pèche pas par avarice. Reluque la
putain que je fais, ainsi, à t’avaler jusqu’au hoquet. Je prie !
Je prie pour qu’un jour, ce jour, cette folie qui nous relie
puisse nous submerger par toute sa beauté et sa force. Je prie pour
te voir boire ma pisse bénie et t’en recouvrir. Je prie pour que
ta langue me lèche si longuement que tout mon antre vienne à
s’ouvrir. Je prie pour que s’offre au vent et à ta vue le
tréfonds de mon fion. Je prie pour que tu me baises de ta main ferme
et de ton ventre. Je prie pour que tu m’invites à sucer une belle
et vraie bite. Je prie pour que mes mains s’accordent à ton
cou,
alors que ma queue t’acculera le cul de ses coups, ma flagellée !
-
Est-ce que je te dirai: Fais de tes mains une corbeille à ma chatte
et bois. Bois! Je te dirai tout ça ? Oserais-je te dire tout
cela, comme toi tes prières ?
-
Oh, oui, tu me le diras. Tu me diras, et plutôt cent fois qu’une
: J’ai envie de pisser! De pisser et de jouir. De pisser et me
branler! De pisser et de foutre ! De pisser et de sucer ! Tu seras la
traînée qui viendra me laver les pieds et le corps… Noli me
tangere, souviens-toi… Mais moi, moi, je ne t’intimerai pas de ne
pas me toucher. Tout ton corps se fera suaire au mien.
-
Arrête... Tu m’excites! Et ça me donne envie de jouir en prenant
ton cul! En le prenant entre mes mains! Avec ma bouche, pour le
fouiller de ma langue. Y fourrer un doigt. Des doigts! Y fourrer un
truc, ce qui me passe sous la main, le fourrer en toi, le ficher en
toi, le reprendre et m’en délecter le nez et la langue. Et
surtout gober tes couilles à t’entendre râler de plaisir! Tout
ça, en branlant ma chatte! Ou bien... tout ça, en étant prise au
même endroit que toi, à ses pieds, là, maintenant, aux pieds de
notre adorable Marie.
-
Arrête ?! Non ! Jamais ! Je n’arrêterai pas de te poursuivre de
mes jolies perversions. Je prie pour, qu’après nous être baisés,
côte à côte et tour à tour, en cette chapelle sacrée nous
puissions trouver damnation à nous faire prendre par une belle queue
racée. Je prie pour que nous ne soyons que sexes, ma Sextine.
-
Et ma main branlera ton sexe. Et ma bouche viendra sucer ton sexe.
Et tu boufferas ma chatte humide! Et, en passant, tu goberas un
instant les couilles de celui qui m’encule! Tu goûteras à cette
chair-là... Ah, quand je te dis que tu es dingue!
-
J’y gouterai, je les lécherai, je le ferai gicler sur mon cul,
pour que tu puisses venir me nettoyer longuement. Assise sur mon
visage, tu frotteras chatte et cul sur mon nez, à m’étouffer de
tes effluves femelles. Je te baiserai comme je t’aime.
-
Tu me donnes envie de te chevaucher et enfoncer ton sexe dans le
mien! Te baiser! Te dire ne bouge pas! Laisse-moi te baiser! J’ai
envie d’attacher tes mains, tes pieds et te baiser, comme ça. En
croix. Te baiser la
bouche,
la bite, chaque millimètre de ta putain de peau qui m’excite!
-
Tu es une chienne lubrique. Ma chienne lubrique ! La messagère
d’un dieu à notre image. Tiens, regarde la vierge et imagine que
ce soit toi. Regarde-la tandis que je me relève de ses pieds.
Regarde-la, regarde ses lèvres comme elles sont belles, regarde ses
lèvres alors que ma langue caresse leur marbre doux, regarde comme
elle entrouvre ses lèvres sous la chaleur de mes baisers. Je sens
son cœur battre entre ses jambes, sa jupe se relève,
imperceptiblement. Elle prend vie et c’est toi que mes mains
tiennent au devant de mon sexe, prêt à transpercer le cœur qui bat
entre tes jambes, Diabolique !
-
Oui, j'imagine! Elle est moi ; la sainte et la putain ;
l’intouchable et l’écartelée. Et les envies sont fulgurantes.
Délires fiévreux.
-
Nous délirons et c’est bon. Le délire nous emporte l’un et
l’autre. Je t’enfermerais non pas dans une chapelle, non pas dans
une église, mais dans un bordel-cathédrale dont je serai le
maquereau et le seul client. Nous volerons une vierge Marie en
marbre, celle-ci, puisque désormais elle nous accueille les cuisses
ouvertes et puisqu’elle ferme ses yeux sur nos errances, et la
ferons trôner au milieu de la salle des fêtes lubriques, pour
qu’elle puisse témoigner que nul n’est besoin de nous promettre
l’Enfer. Nous, nous y traînons déjà dans ses dédales, promis à
lui.
-
J’aime cet Enfer-là, le nôtre, mon beau diable! Je me laisserais
bien embrocher le cul par un autre, si ta queue venait à se lover
dans ma bouche! Si ta queue venait à faire briller mon visage, en
éclatant sur mes joues. Apprends-moi la débauche !
-
Nul besoin que je te l’apprenne. Elle est dans ton sang, femelle !
Et dans chacun de tes mots qui profanent ce lieu saint. De ta bouche
sortent les cantiques obscènes qui font rougir les anges. Regarde.
Regarde-toi ! Tes mains, ta peau, ton visage de sainte à
souiller.
Dans
l’ombre du soir, à genoux aux pieds de la vierge impassible, sa
nudité d’homme brille de sueur. Elle, assise, devant lui, cuisses
largement ouvertes à même les dalles froides, tremble d’une
fièvre novice. La robe de bure à ses pieds lui brûle les yeux.
-
Oui, laisse donc ma queue venir se poser sur ta joue, tandis qu’une
dizaine d’hommes se succède dans ton cul pour lui
promettre
fidélité dans l’ardeur. Ton cul est un temple ! Ferme les
yeux ! Déjà plusieurs Saints mêlés à la cohorte des
pécheurs ont franchi le pas des vitraux et descendent le long des
colonnes en glissades pressées. L’extase. Ils veulent toucher des
yeux l’extase d’une sainte, jamais caressée, mais dardée de feu
et d’éclat d’or. Quelque chose d’humain, foutrement humain.
-
Ah, quelle belle putain tu fais de moi! Moi... si sage... si comme
il faut...
-
Ah, quel beau putain tu fais de moi! Moi, si sage, si comme il faut.
Allons, retournons à nos moutons égarés, ma Sœur.
Et
elle rit ! Elle rit comme le diable rit.
Et
son odeur enivre. On ne lui résiste pas, la sainte putain de la
chapelle perdue au milieu de la pinède, au sommet du promontoire.
Elle
recueille en sa bouche le fourreau de l’homme, le fourreau de chair
tendue et de sang palpitant comme une hostie qu’il convient de
faire fondre dans le palais. Lui, s’active dans sa bouche en de
longues et épaisses giclées blanches qu’ils partageront dans un
ultime baiser aux lèvres de la Sainte Marie.
L’odeur
de sainteté n’a rien perdu de son attrait. Et le vent s’entête
à siffler au-delà des murs.
Les
ténèbres n’ont jamais pu les atteindre.
Parfois,
on peut entendre dans le frémissement des broussailles, à la nuit
tombée, la plainte de la damnée.
Anna Hyss & Raphaël
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