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Non, je n'aime pas Orléans

Hier soir j'ai découvert Orléans, à marcher dans la rue la nuit venue. Face au vent froid. Ville trop propre. Ville diffuse. Ville dont les restaurants ne savent proposer autre chose que des pizzas, des fondues savoyardes, des steaks frites et des plats Thaïs. J'ai marché vers la Loire. Souvenir e la ruisselle de mon Gerbier, du plateau ardéchois. Fleuve balafre ici, fleuve qui charrie les corps. Ville d'histoire sans histoires. Ville de symbole à sanctifier ou à conspuer. Au pied de Jeanne j'ai ressenti l'effroi. L'effroi qui s'accapare, qui étouffe. Le symbole de chacun, la haine, le rejet de la différence. Impressions partagées.

Ce soir, il y avait une jeune femme. Cherchait elle à me séduire ? Un malaise en moi. Une tension. Au début, j'ai la sensation que ce malaise est lié au fait que je me sens dragué. Je n'aime pas cela. Il y a quelque chose de faux, de forcé dans ce jeu. Quelque chose pour m'attirer quelque part où je ne veux pas aller. Nous parlons de sa région la Franche Comté, j'ai reconnu son accent.

D'elle même elle me parle de son émoi devant Jeanne, la sainte. À moi l'effroi, pour elle l'émoi. Elle me dit qu'elle est très croyante. Je n'ai rien demandé, la discussion promet d'être glissante et ma pente raide. Les martyrs vont au paradis me dit elle. C'est une sentence enfantine et puérile. Je lui réponds que certains choisissent de mourir pour cela. Elle rejette, oui, mais eux se sont des extrémistes, ça n'est pas la même chose. Elle me dit que Jeanne a combattu pour Dieu. Je lui dis que c'est la religion qui a brûlé vive Jeanne. Elle rétorque que c'étaient des corrompus, des mécréants. Elle me dit que cette ville c'est une sorte de commencement de l'histoire, que Jeanne a bouté les anglais hors de France, une femme ! Je ne veux pas lui soustraire son symbole féminin. Je pense intérieurement qu'à cette époque les anglais avaient autant de droits que les tenants de la maison de France sur l'Aquitaine et la Bretagne. Ne m'a t elle pas dit qu'elle était passionnée d'histoire mais pas très bonne en géographie ? Elle ne connaît pas le fleuve Rhône. Elle ne sait pas que la Saône et le Doubs, deux rivières de chez elle se jettent dans ce fleuve. Elle croit qu'ils se jettent dans le Rhin. La jeune femme est belle. La jeune femme manque de culture mais croit en avoir. La jeune femme croit être sage mais ne l'est pas. Elle est jeune, mais elle vieillira mal.

Jupe courte, moulante, petit décolleté, combien a t elle bu de verres de vin ? J'ai la sensation qu'elle cherche mon regard, ma présence. Je me raidis en un sourire figé et contraint. Je sens mon dos se raidir. Elle s'absentera un long moment pour fumer. Je m'amuse de l'idée de la baiser à lui extorquer des aveux d'amour et de pitié devant tant de décadence prodiguée. Je sens que le jeu se paierait cher en jérémiades, en embrouille, en oh oui et oh non. Malgré ces perspectives peu réjouissantes, il reste en moi un peu de tentation de lui faire régurgiter son puritanisme malsain par tous les vices de la chair. Plus tard, elle me dira que Jeanne d'Arc a les yeux bleus. Décidément, elle ne veut pas abandonner son sujet. Je manque de lui demander si Jeanne n'était pas blonde. Après tout, elle ferait une belle aryenne pour une partie de ceux qui défilent à ses pieds ici le premier mai. Je lui demande l'origine de son savoir. Les peintures me dit elle. Je lui précise que les peintres ne l'ont jamais vus. Je cherche à la provoquer un peu en lui disant que Jésus avait la peau mate et des frisouilles dans les cheveux. Elle admet.

Elle s'absenter à nouveau pour revenir plus tard avec un jeune homme faisant partie du groupe de ce soir.  Il dit n'être pas parvenu à lire la Bible. Elle lui dit que les évangiles sont des écrits tellement riches et passionnants. Je me dis qu'elle ne les a pas lu, si ce n'est en version illustrée et simplifiée. Elle n'a pas conscience que ces écrits ont perdu tant de mots au fil des siècles de traduction. Le jeune homme est sans doute charmé par son joli minoi et son numéro de charme qui laisse entendre séduis moi, qui laisse supposer regarde moi, qui signifie soit à moi. Ils parlent religion. Non, ce n'est pas exact. Lui parle de choses qu'il ne connait pas parce qu'il aimerait sans doute la baiser dans sa chambre d'hôtel cette nuit. Mais elle, elle ne parle pas religion. Son être parle rejet, haine, désamour, elle maquille ça avec d'autres mots. En trois phrases successives elle distille cinq mots et son poison. Transsexualisme, horreur, homosexualité, gay pride et pédophilie. Le jeune homme tique, il répond presque étonné, "quoi ? Tu compares l'homosexualité et la pédophilie ?!". Désarçonné, mais sans doute encore appaté, il est prêt à la racheter. Définitivement je n'aime pas cette conversation. Je comprends que mon malaise initial était cette alerte de la fausseté, de la violence, de la culpabilité, de la haine, du rejet de la différence. Lui ne comprend pas cela, il ne le voit pas. Désorienté, il est l'appât de son jeu de pseudoprosélytisme. Il ne comprend pas qu'elle souhaite qu'il joue son jeu à elle. Que c'est elle qui mène la danse. Qu'elle vient d'enlever son petit pull orange moulant, sa jupe noire moulante, qu'elle lui montre sa chatte puante et laide, mais qu'il ne pourra jamais la toucher. Elle le fait danser et s'en délecte. Elle souhaite qu'il danse sa partition. Il ne comprend pas qu'elle veut qu'on la désire et qu'en contrepartie il n'aura que sarcasme, morale et poison, culpabilité, jugement et condamnation. Voudrait-elle qu'on la rende impure de force à défaut d'innaccessible pureté ? Elle, la blonde aguicheuse. Tout à l'heure, durant la journée, j'ai donné une réponse avec un peu d'humour. Il faut susciter le désir ai-je dit devant l'auditoire. J'ai vu son regard vers moi. Le mot la titillait. J'étais sérieux.

Évidemment, elle réfuta faire le lien entre homosexualité et pédophilie. Je me remémore quelques séquences pédagogiques il y a de très nombreuses années sur l'apologie d'un vice. Je me remémore toutes ces insinuations politiques putrides et puantes. La déconstruction du discours du Front. Cette jeune femme est laide. Elle charrie en elle des choses qui font le mal. Toutes les religions rejettent l'homosexualité affirme t elle. Je pense au bouddhisme qui ne la rejette pas. Je pense au christianisme qui ne l'a pas toujours rejetée. Je pense aux peuples tahitiens très croyants qui éduquent les derniers garçons de la fratrie comme des filles pour qu'ils aiment les hommes et les femmes. Je pense aux prêtres pédophiles. Je pense à la rhétorique du Rassemblement National, des patriotes. Je ne me sens pas l'énergie de dire tout cela. J'ai envie de partir. Elle avoue ne pas être une sainte. Elle avoue pécher parfois mais elle dit chercher à s'améliorer. Je l'imagine en domina. Je l'imagine fouettée jusqu'au sang, se délectant de la douleur infligée et reçue. Je sens qu'elle cherche à titiller le jeune homme. Quels sont ses péchés doit il se demander. Imagine t il l'enculer ? L'attacher ? La bâillonner ? L'avilire ? La violer ?

Elle revient à parler de la gay pride. Décadence, où va le monde ?! Sainte horreur. La gay pride le symbole du mal. "Tu te rends compte, ils s'enfilent dans les rues ! Il y a une vidéo sur le net, où on les voit s'enfiler dans les rues". Elle me dégoûte. Je sens à plein nez la vidéo qui tourne en boucle, l'effet déliquescent de son sexe mielleux et la raison qui rejette, qui transforme le désir en monstruosité. La fascination et le rejet. S'imagine t elle a demi nue sur un char dansant de toutes ses tripes sur les beats technophiles ? Est elle attirée par cette liberté ? Elle dira qu'il y a le mal. Qu'il y a le bien. Que les lois de l'homme sont tu ne tueras point. Tu ne voleras point. Tu ne comettras point d'adultère. Que c'est tout de même du bon sens que de respecter cela. Ce qu'elle veut dire c'est que c'est aquis que le meurtre est interdit. Personne n'en démord. Il est donc acquis qu'il en est de même pour l'adultère.

J'interromps pour la première fois leur échange. J'ai eu envie de lui dire que j'étais homosexuel, que j'avais décidé de changer de sexe. J'ai envie de lui dire que j'adore m'adonner au péché. Je devrais lui dire que hier je me suis branlé deux fois, que ce matin je me suis branlé une fois, que je suis un homme multi-adultérin, que je baise en public, que je suce des bites, que je crache sur les tombes, que j'aime fouetter et me faire fouetter, que je pisse sur la croix, que je pisse sur des femmes, que je bois ma pisse chaude et froide, que je lèche les gouttes de spermes laissées par les vieux monsieur dans les pissotières, que je mouille du pain rance sous l'urine  d'hommes avinés, que je suis zoophile autant donneur que receveur, que je suis nécrophile, anthropophage, coprophage. L'envie de la provoquer est là, j'imagine même jouer l'apologie de la pédophilie pour lui montrer qu'elle ne parviendra pas à me faire jouer sa partition stridente et mortifiante. Je serai brillant de cynisme enjoué, briseur passionné de tabous, collectionneurs des sept péchés capitaux, meurtrier d'innocents, pyromane de cathédrale. J'ai envie de me vêtir de tous les vices et les crimes de ce monde pour lui dire que malgré tout cela, contrairement à elle, je suis un être d'amour infini. Mais le combat est vain. J'ai trop d'armes et pas assez. Non, je n'irai pas en enfer, pas plus qu'au paradis. "Si c'était si simple" lui ai je dis simplement. J'ai souri. Je suis parti. Je l'ai laissée au festin de l'attention de son jeune homme. Je ne sauverai pas son âme, mais je serais tenter de convoquer sans délai Madame de Saint Ange à son chevet. La morale, l'immorale, l'amorale, beau programme. Je doute que quelqu'un puisse un jour la sauver. Mais moi, l'amour, je ne cesserai jamais d'en donner, je n'aurais jamais de tabou sur ce point. Voeux ou serment ? Aucun des deux. Conviction profonde, oui.

Je marche dans les rues d'Orléans. Cette ville me fait peur. Elle pourrait tout aussi bien me lapider sur la place publique. Je pense à vous chers amis d'ici. Je suis triste de tout cela. Je suis triste avec vous. Hier je trouvais la cathédrale belle. Aujourd'hui, sa stature nocturne est menaçante. Elle me dégoûte. Je m'assois sur un banc à deux pas de mon hôtel. Il est bientôt minuit. J'ai besoin d'être ailleurs. J'écoute l'entre-deux de l'impératrice. J'ai besoin de me réfugier ailleurs. Loin d'ici. J'ai besoin d'amour et pas de mort. Derrière moi un homme dort sous un amas de couverture dans cette belle avenue de la République qui devient ensuite l'avenue Royale avant de franchir la Loire des châteaux. Je pars marcher un peu, cherchant à m'évader mais cette ville est une prison à la beauté pâle et morbide. Il est temps de rentrer.

Non, définitivement, je n'aime pas Orléans.

Commentaires

  1. Mais qu'es-tu autre foutre dans une ville pareille !!! Mon ex épouse et mettre de mon premier enfant est fille de là, c'est dire,

    Et puis que fais-tu avec des gens pareils..... Des relations internet...? Tu sais pourtant à quoi t'en tenir...

    Léo Ferré a écrit "l'Opéra du Pauvre" qui est le procès fait à la misère, et qui à mon sens est un plagiat du Procès de Jeanne d'Arc mis en scène par Paul Claudel, c'est tout ce que m'inspire ton beau billet,

    À ce sujet du plagiat, Léo Ferré à qui j'ai posé la question directement lors d'une soirée organisée par José a détourné le regard, tout comme Mathieu, son fils à qui j'ai posé la même question... Années 80....

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