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Un autre homme tout en restant cet homme

Un soir je rentre. Je rentre plus tôt que prévu. Dans le bus, il y a son parfum. Son parfum de partout. Son parfum comme la tâche indélébile de la culpabilité. Parfum prégnant, non équilibré, parfum qui embaume son corps, qui m'étouffe lentement. Il y a ces images. Elle dans le parking sous terrain. 15 ans de plus. Je n'en ai que 28. Elle est vulgaire. Son sourire est doux. Ces yeux sont noirs. Elle a une petite moustache sur la lèvre supérieure. Un petit grain de beauté et quelques poils plus sombres là. Sa peau est douce, dorée. Elle est légère. Mes mots la rendent miel, liqueur. Je suis grisé par celui qui se dévoile en moi. Celui qui prend, qui cède à son plaisir, qui prend la place, devient le motif central de ses rêves, de ses pensées. Nous sommes dans ce parking sous terrain, contre sa voiture, une 206 coupé cabriolet. Cette femme aime l'apparence. Cette femme aime se montrer, se faire draguer dans les supermarchés, se faire offrir par son mari. Ce mari ne lui a pas laissé le choix. Marche ou crève. Quinze ans avant, il emmène sa maîtresse dans le lit conjugal, la baise chez lui tandis que sa femme est dans le salon, à pleurer de douleur, d'incompréhension, de jalousie. Depuis, la voilà devenue libertine. Et moi je rentre dans ce jeu à l'orée de mes trente ans.

Je vais me marier. Nous envisageons d'avoir un enfant. Je suis un homme responsable. J'ai toujours été un homme responsable. J'ai haï au plus haut point les hommes vulgaires, ceux qui reluquent les femmes dans la rue, ceux qui les sifflent, ceux qui les traitent comme des objets, de la viande à baiser. Je les hais. Je hais les hommes et pourtant je suis un homme. Un homme qui, adolescent, se rêvait en homme bien, en homme parfait. Tu es parfait. Tu es un ange. Tu es un coeur. Tu es l'amour de ma vie. Je ne suis rien. Je suis une merde. Je ne suis pas aimable. Je ne veux pas être un homme. J'aimerais être une femme pour vous aimer plus fort encore. Être votre égale dans la pureté. Je me branle, je regarde les femmes, toutes, petites, grandes, grosses, maigres, vieilles, jeunes, laides, belles, insignifiantes, charmantes, dans ma tête ça fourmille. Je les imagine jouir. Je m'imagine être un monstre les baisant toutes.

Elle est contre moi, je sens la chaleur de son haleine, ses seins refaits pressent mon corps et ma bite pulse, là dans le parking sous terrain, guetté par les caméras et les gens de passage. Ma tête tourne. Je me retiens de la prendre. Ma main glisse entre ses cuisses pour la doigter et lui retirer des soupirs d'effondrement de sa volonté. Autre scène, elle m'installe sur le canapé familial. Le mari volage, libertin et salaud devient cocu. Un autre, plus jeune, plus licencieux, plus arrogant de la comparaison a amené, dans un jeu dont chacun sait qu'il n'y aura que des vainqueurs et que des vaincus, l'épouse devenue perverse, sexuelle et volage à s'offrir. Je m'offre à elle. Les jambes en l'air, tenues par mes mains écartées, elle me lèche le trou de cul, fait glisser son piercing et sa langue dans mon cul et m'extirpe des râles de pâmoison. Elle me sucera, avalera ma petite queue tendue et les couilles poilues et remplies pour avaler mon foutre en elle. J'ai envie de lui pisser dessus. J'ai peur de l'homme qui émerge. J'ai envie de l'avillir, de la rendre droguée, que ses pensées ne soient que foutre, bite, queue, sperme, mouille, bave. Je veux être en toute part, en toute chose. Je veux que lorsqu'elle fasse la cuisine pour son grand et fort mari ce soit moi qu'elle épluche quand elle râpe les carottes. Je veux que lorsqu'elle joue avec ses deux garçons, ce soit moi à qui elle pense. Je veux qu'elle s'isole dans les toilettes pour se masturber, cinq, dix, quinze, vingts fois par jour, qu'elle soit chez sa vieille mère, dans les toilettes de l'école de ses enfants, dans sa voiture, dans son lit, sa cuisine, au cours de danse, dans le bus, dans la rue. Je veux et j'obtiens.

Je me regarde dans la glace, ça monte. Je le regarde dans la glace. Dans les yeux. Connard. Taré. Laideur. Pervers. Tu trahis. Tu trahis et tu continues. Tu t'amuses à jouer les hommes, mais tu n'es qu'un putain de gamin. Tu n'es qu'une merde. Une sombre merde. Indigne de la confiance qu'elle t'accorde. Toi qui es tout pour elle, elle qui est tout pour toi. Qu'est-ce que tu fous ? Sale con ! Merde ! Merde ! Je chasse mon contradicteur. Je ne veux pas écouter. Le lendemain, je suis dans sa voiture. Nous sommes dans un chemin rural. Elle lève son top me montre ses seins, percés, ornés de breloques de mauvais goût, son nombril, son clitoris, tout est orné de bijoux. Son tatouage immense pour l'époque, des fleurs immenses et capiteuses ornant son cul. Et c'est moi, moi le jeune homme qui détient cette femme entre mes mains. Je dois arrêter, arrêter avant de tout foutre en l'air. Mais je me branle, je ne cesse de me branler, de regarder des morceaux infimes de vidéos porno gratuites au son du modem analogique du boulot.

Pour mon anniversaire, elle montera les marches du bureau pour venir après la fermeture. Je lui donnerai une claque énorme sur le cul. Elle s'en plaindra. Alertée que son mari puisse découvrir cette marque. Ma main est clairement imprimée sur son cul musclé, lourd et rebondi. Je la doigterai et lècherai sa chatte sous les tressaillements de son ventre grassouillet et hypnotique. J'aurais droit à sa danse du ventre, fruit de premières séances. Nous n'avons rien à faire l'un et l'autre ensemble. Que suis je pour elle ? Un homme ? Un homme plus jeune ? Un fils ? Qu'est-elle pour moi ? Une femme avec laquelle j'aurais honte de m'afficher ? Une femme qui m'attire pour son côté sexuel ? Une femme sexe ? Une mère ? Après sa venue, je rejoindrai ma future épouse au restaurant chic du coin, nous sommes dans le jardin du restaurant. J'ai honte. Elle me parle mais j'ai les images de cette fin d'après midi en moi. Elle me parle et j'ai honte de celui que je deviens. Un salaud. Un connard. Une merde. Un homme qui ne vaut rien. Un homme. Je déteste les hommes. Je les hais. Je les hais. Je hais mon père. Je hais la vulgarité. Je suis un homme pur, un homme sain, un homme saint qui veux bouffer des chattes qui veux planter ses crocs dans le sang des femmes. Je suis un monstre. Une sous merde, un moins que rien. Je ferai l'amour à la futur épousée, sans me trahir en étant là, pleinement avec elle. Elle ma vierge. Mon amour. Mon adorée. Elle la pulsation de mon coeur. Elle que j'aime, que j'aide, elle a qui je transmets la vie et la joie. Elle que je trahis.

Au bord d'un étang, je retrouve cette autre femme sexe et vulgaire. J'ai invité une autre femme. Je lui offre une autre femme. Elles se touchent, sous mes yeux. Sous mon invitation. Je suis le metteur en scène. Des années plus tard je baiserai cette autre femme en épluchant sur son dos un gingembre de taille immense tandis que les yeux rivés sur l'écran d'un ordinateur portable diffusant un DVD porno qu'elle aura acheté à la demande sous les yeux d'un buraliste alors qu'elle était habillée comme une pute, elle attend, elle sent l'odeur, elle ne la reconnaît pas cette odeur. Cette odeur qui va enflammer son cul et sa chatte, qui va la porter loin, loin très haut dans le désir de se faire prendre et fourrer, foutre et juter. Cette autre aime qu'on l'humilie. Je m'y plais, je m'y plais parce que ça lui plaît. Je m'y plais parce que le monstre, je le connais maintenant, je sais qu'il file vite et que la douceur n'est jamais loin. Mais il me fait encore peur ce monstre en moi. Pourtant je le laisse venir. Je le laisse venir et je le dissèque pour l'approvoiser, pour le comprendre, pour l'analyser. Elle porte le même prénom que moi. Elle aussi a une fille. Comme moi. Elle vit en couple, comme moi. Elle trompe son compagnon comme moi. Elle a honte d'elle. Elle a honte de ses désirs. Je les rends normaux, je les comprends. Elle m'avoue fantasmer énormément sur des chiens qui la baiseraient, sucer la queue d'un cheval. C'est la première femme qui me parle de cela. Qu'elle m'en parle m'excite. Cela deviendra un jeu entre nous, une humiliation de plus. Je me sens mieux. Tout n'est pas résolu. Mais le chemin est là. Je sais que celle qui est devenu mon épouse souffrira encore. Parce que je ne suis pas capable de m'arrêter. Parce que je suis drogué dans ce sexe là. Parce que pour être un homme je ne sais pas faire autrement.

J'ai honte. J'ai honte de ce que je lui laisse croire. Non, chéri, je ne t'ai plus jamais trompé depuis cette femme que je rencontrais proche de mon travail. Maintenant je travaille à 70 km de là, ne craint rien. Elle sait, elle sait pour cette femme. Le jour où j'ai dit à cette première maîtresse que je devais arrêter, que ce n'était plus possible, elle avait eu la drôle d'idée de m'offrir un chat, une espèce de peluche rigide et douce qu'on trouve chez les buralistes. Elle savait que c'était notre dernière fois. Ce chat était moche, répugnant, j'ai eu l'impression d'être un gosse. Quelle horreur que ce cadeau. Nous sommes montés dans sa chambre, je l'ai massée longuement. Je n'ai pas touché son sexe. En vérité cette femme je ne l'ai jamais pénétrée. Quel gamin je fais. Quel homme 28 ans et incapable de la baiser avec sa queue. Trop peur. Trop peur de jouir. De ne pas savoir me contenir, d'être lamentable, de me rendre coupable de la souiller de mon désir, de mon corps d'homme, de ma semence d'homme. Elle se rhabille et au moment de partir, de partir une dernière fois de la maison de la rue du poète, de la petite maison mitoyenne au petit jardinet, je la plaquerai contre la tapisserie orange vif, nous nous embrasserons goulûment. J'ai sorti mon sexe dur, bandé à souhait, elle s'est agenouillée et m'a pris dans sa bouche, trois ou quatre mouvements et mon foutre jaillit au fond de sa gorge. Ses yeux me regardent gourmands et doux. J'ai honte. J'ai honte de ce que je fais. De ce que je suis.

Je suis dans le bus. Son parfum est partout. Son parfum me rend coupable. Il faut que je me lave. Il faut que je me lave. Que je frotte. Que je fasse partir cette putain d'odeur de femme qui m'envahit de partout, qui va faire que celle que j'aime va savoir. Elle va comprendre, c'est évident. Elle va me sentir. Elle va sentir cette odeur de femme. Elle va sentir son odeur sur ma queue, sur mes lèvres, dans mes cheveux, dans mes vêtements. La personne assise à côté de moi le sait, c'est une évidence. Toutes celles que je croise dans la rue avant de me réfugier chez moi le sentent, le voient, le lisent. Je prends une douche, une douche qui me rend coupable, une douche qui laissera les gouttes de ma culpabilité au fond de la baignoire, j'aurais beau la récurer elle le verra. Elle comprendra que j'ai pris une douche, elle saura que c'est louche. Je ne prends jamais de douche à cette heure. Si je sèche la baignoire avec une serviette, elle verra la serviette mouillée. Et les habits ? Les habits qui sentent le parfum ? Je suis un salop ! Un taré d'obsédé ! Incapable de respecter sa parole ! De tenir ses promesses ! Je ne suis pas un homme parfait, je suis une merde, un homme qui ne vaut rien. Je m'allonge dans le lit conjugal. Je choisis d'écouter violator de dépêche monde, the sweetest perfection,  waiting for the night, enjoy the silence, blue dress... J'écoute et je pleure, je pleure parce que je vais me tuer, tout trancher à vif, je n'ai pas d'autres choix que de me punir pour ma culpabilité. Je ne suis pas digne de confiance, mes amis ne me méritent pas, je veux m'enterrer sous terre, faire table rase. J'entends la clef qui tourne. Elle me voit, ne comprend pas. Je lui dit. Elle déverse sa haine froide sur moi, me demande de quitter l'appartement. Je hurle que je me déteste, que je ne veux plus avoir de lien avec qui que ce soit, plus d'amis, plus d'amour, plus d'amante, de maîtresse, plus de lien. M'isoler, les protéger de ce monstre. Coupable, coupable, coupable ! Que le coupable se dénonce, qu'il se dénonce pour ces crimes infâmes, puants, vicieux, déviants, qu'il meurt ! Je vois ma main, une lame fine tranchante tenue fort entre mes doigts. Et je frappe !  Frappe ! Frappe en pensée mon ventre de dizaines de coups vifs et violents, je me vois me lacérer de mille coups ! Ce couteau, je le vois encore, cette violence déchaînée contre moi, elle est là, Tapie, elle guette maintenant. Je me retrouve dans un parc, sans affaire, je ne sais pas où je vais dormir, j'ai envie de marcher sans m'arrêter, fuir nulle part. Les pensées meurtries dans mon imaginaire, avec cette étrange et laide peluche de chat. Je suis là. Perdu. Je dois m'en débarrasser. C'est une urgence, je ne veux plus rien avoir à faire avec cette horrible peluche rigide comme la mort. Mais cela ne me paraît pas bien de la balancer dans une poubelle. Je dois la rendre à celle qui me l'a offert. Je la cache dans une haie et lui indique où elle se trouve, lui expliquant ce que j'ai fait. Je comprend à sa voix au téléphone que je ne suis pas un homme, que je ne suis qu'un sale gamin qui vient de risquer l'équilibre de son propre couple en donnant à celle qui vient de me mettre dehors son nom. Elle ne pense pas à moi. Elle pense à elle, à sa famille, à son mari. Moi, je ne suis rien. Je hais les hommes. Je me hais.

J'avais entre 25 et 28 ans, je n'étais pas un homme. J'étais un homme. J'étais cet homme, je suis devenu un autre homme tout en restant cet homme.

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