Accéder au contenu principal

Résurrection

 Devant ma glace, un visage que je ne connais pas. C'est le mien pourtant. Il y a cette lumière, cette lumière blafarde qui donne à mes traits une pâleur cadavérique. Je crois que ce sont mes mains que je vois toucher ce visage. J'ai la sensation que rien ne peut aller plus lentement que le mouvement de ma main sur mes joues. La main qui étire la peau, les joues, prend le menton, tire sur la motte saillante des pommettes pour désorbiter ce regard absent. Lenteur, temps étiré, suspendu. Pupilles dilatées, globes oculaires injectés de sang. Le bruit a cessé au-dessus, au dehors. Plus de cris, plus de voitures qui circulent, plus de klaxons en file indienne, plus de marmailles qui hurlent leurs caprices dans la tuyauterie de l'immeuble, plus de couples qui se déchirent, ou qui s'éreintent à baiser, même plus le bruit écrasant des moteurs d'avion qui s'élève difficilement au dessus de nos têtes, frôlant nos immeubles, Tokyo muette pour un temps. Je n'entends que les basses vibrantes de ma musique hypnotique. Je suis chez moi, mais je ne suis toujours pas convaincu que le visage devant mes yeux et sur le miroir de ma cuisine salle de bain soit le mien. Si c'est moi, je suis soit plus vieux, soit plus jeune. Ou peut-être que j'ai mon âge mais ce n'est toujours pas moi. Et si je suis plus jeune quel âge à Linda ? Est-ce que nos parents seraient toujours vivant si nous étions plus jeunes de 10 ans ? Est ce que je ferai la même promesse à ma sœur de ne jamais l'abandonner ? Mes mots se forment avec paresse dans mon esprit, la lumière blafarde se meut en kaléidoscope infini, hypnotique, chantant, profond. Je distingue la profondeur, la profondeur du vide et sa beauté, la profondeur de choses que l'on ne voit pas, que l'on ne peut toucher, pourtant j'y sombre, j'y trouve une tanière, une tanière qui n'a pas de fond ni de fin, j'y trouve plus qu'un refuge, j'y trouve l'extase, la quiétude, le voyage, l'ailleurs, l'en dehors de moi. Les bruits reviennent, loin, lointain, ils doivent être de l'autre côté de la ville, de l'autre côté de l'abîme. Je reprends du crack. J'ai cru entendre frapper mais cela se dissipe comme un filet d'eau tiède, ça part loin jusque dans l'océan. Où est-elle ? Où est Linda ? L'eau est calme. Une mer d'huile et je nage, sous moi la faille de la mer du Japon, j'en vois le sol comme si j'étais dans un lagon, alors que je suis à la surface, enveloppé. Est-ce que je peux renaître quelque part ? Est-ce que Linda sera-là ? Où es-tu ? Linda ? Est-ce que nous retrouverons nos parents ?


Quelqu'un cogne contre la porte. Linda ? Je m'entends l'appeler. C'est toi ? Mais c'est une voix d'homme qui me répond. Ça cogne fort. Dans ma tête. Sur la porte. J'ai envie de hurler au monde de se taire. Je n'écoute pas la voix d'homme derrière la porte. Je crois qu'il y en a plusieurs. Et ça cogne encore. Je regarde l'espace dévasté et sale de ma piaule appart. Par terre, le livre des morts tibétains. J'essaye de me souvenir du vrai nom, celui qu'Alex m'a dit en mélangeant la beauté virginale de ma sœur, le destin des âmes, la réincarnation, la superbe drogue qu'il avait trouvé, son amour lumineux pour Linda, les ramen du quartier Chuo, son projet d'errance au Tibet, la musique d'Acid Arab, Linda, se méfier de Gaku, de Mario aussi, payer mes dettes pour vivre, les morts, la mort, l'oubli que l'on n'oublie jamais, ce que dit le Bardo Thödol, ce que doit être la vie. Du bruit, du bruit, du bruit ! Putain mais vous allez vous arrêter ! Bordel ! Ma porte vole en éclats avant que je n'eusse fini mon minable juron. L'étrange déflagration me ramène subitement à une réalité que je ne comprends pas. Gaku et Mario sont face à moi. Ils me hurlent dessus. Se mettent à me tabasser. J'ai voler leur drogue, je l'ai vendu, empoché tout le fric et je m'en suis acheté de la bien meilleure. Ça cogne dur, fort, violent. Je me laisse faire, hapé par la douleur si subite, si franche, si tranchante. J'ai mal. Putain, j'ai mal ! Je pleure. Ils disent que je suis une larve et ma soeur une putain. Je suffoque, je ressens une douleur forte à la tempe. Puis plus rien. Je vois ma tête fracassée par leurs coups. Coups de pieds. Coups de poings. Ma tête contre l'angle du lit. Sanglante. Plus blanche encore que dans mes souvenirs. Striée de sang, épais, palpable. Est-ce que c'est moi ? Est-ce que ce corps c'est moi ? Linda ? Linda. Linda. Linda. La lumière. La lumière est forte. Irrésistible. Éblouissante. Les hommes sont partis, il y a ce corps, ce corps de jeune homme affalé sur le sol regardant dans le vide en ma direction, plus loin derrière moi, et derrière moi la lumière, le filament de l'ampoule qui m'attire, m'inonde, me ferre, m'emporte et m'aspire.


Je reprends mes esprits. Je suis dans le brouillad. L'image tarde à se faire nette. Je vois la chevelure d'un homme, grisonnante, sa joue est posée contre une cuisse, une cuisse gainée de vinyle, cette cuisse je la vois comme si elle était mon corps. Une cuisse féminine. La lumière s'adoucit. La pièce est bercée de pénombre et une musique à la voix douce et cristalline s'échappe d'une enceinte posée sur un meuble blanc. Sur le meuble je distingue quatre billets de 50 €. Mes mains frappent le cul de l'homme. Ses fesses sont rouge. Mes ongles sont rouge sang. Je me sens forte et belle. Je me sens d'une noirceur rayonnante. J'ai le contrôle sur lui et il se plaît à me le laisser. Il paye pour cela. Je lui fais du bien. Je frappe fort, vite, sans cesse, je sens mes bras douloureux, mes mains cuisantes. Je me mets à saisir son sexe, à le branler pour qu'il bande plus. L'homme râle de soupirs d'aise après avoir poussé, à chaque claque sur son cul, de petits ahanements ridicules. J'entends ma voix lui dire d'un ton assez ferme, chaud et cinglant, qu'il a bien fait de faire appel à mes services, qu'après tout cela vaut bien mieux qu'une bouteille de champagne offert à un coup d'un soir. L'homme me sourit, on dirait un sourire d'enfant qui s'émeut d'un doux souvenir. Ma jolie fessée aura humidifié ses yeux. Mon legging noir brille de ses larmes. Je serre ses bourses, et lui fait juter un long râle profond. Il est temps de passer aux choses sérieuses. Le plus gros jouet fiché entre mes cuisses orne désormais l'emplacement inaccessible de mon pubis d'une belle queue noire qui va le rendre fou. J'aime comme il me suce. Mais il n'a pas beaucoup de capacité, sa gorge est vite pleine et des réflexes de régurgitation arrivent vite. Il essaye de s'échapper mais moi il me plaît de jouer avec lui un peu encore comme je suis une chatte, c'est à moi qu'il appartient de décider du jeu sadique ou de la mise à mort. L'homme a une petite queue, mais elle est joliment dessinée. Il ne bande pas beaucoup. Je sais que c'est la première fois qu'il fait appel aux services d'une professionnelle. Ils le disent assez vite lorsque je les rencontre. Lui me semble à l'aise. Il ne dit pas grand chose, mais il sourit avec beaucoup de douceur. Il rit parfois. Je sens en lui de l'amusement, un peu de vice derrière cet air très sage. Trêve de petits amuse-gueules. Il est là pour cela. Se faire prendre le cul par une femme phallique. Se faire baiser jusqu'à ne plus savoir qui il est, je vais l'amener à cette jolie mort. Le pourfendre, le cheviller, le pénétrer, le prendre en profondeur, entre douceur et sauvagerie. Et déjà je le vois s'animer. Déjà je le vois bander plus. Mes coups de rein sont doux, lentement j'entre en lui après lui avoir soigneusement et vicieusement enduit le sexe et le cul de lubrifiant liquide et huileux. Ces râles se font profonds, sourds, feulements de bête, animal, ronronnement de chat aussi et petits cris de souris. Oui, tout cela en un homme. Et je me mets à le baiser comme l'homme que je suis de ma queue factice, je donne le rythme, il me dit que je le baise si naturellement, que je le baise comme un homme le ferait d'une femme. Il me demande de le démonter furieusement, et cela tombe bien car c'est là bien mon intention, le clou de mon spectacle avant de l'amener à la jouissance ultime, petite souris grise et ventrue entre mes griffes, mes pattes et mes dents. Je l'entends venir cet homme et je vois cette femme qui le prend. Je vois désormais la scène d'en haut. Tout à l'heure j'étais elle. Mais là je suis autre et ailleurs. Sur les murs du studio il y a des photos de nus, des photos d'arômes aussi dans lesquelles se cachent des visages sans visages, des collages inquiétants et troubles, sous l'homme une couverture en polaire noire. La chevelure de la femme est brune, son regard est noir, perçant, d'une densité impressionnante, son sourire est entre satisfaction et dédain. Sa bite le fourre, sa main le branle. L'homme sourit, son visage se déforme et son sexe se met à jaillir de foutre blanc tandis qu'elle le baise encore de sa main sur sa hampe, et des coups de ses reins qu'elle assène. Subitement elle fourre sa main dans sa bouche et lui s'étouffe et se débat jusqu'à ce qu'elle en ressorte pour étaler sur son visage sa propre semence. Il se débat de cette autre main qui le branle et de cette queue qui le tanne, le plaisir commence à lui être douloureux, son visage alterne entre lumière et souffrance, l'orgasme le submerge, les lampes de la pièce irriguent le tout d'une certaine douceur. L'homme est pris de fou rire, et ses larmes se meuvent en gros sanglots. La jeune femme à la bite obsidienne se fait chatte, s'allonge à son côté, la main couverte de sperme, il y a de la douceur dans son attitude, elle se love contre lui et lui caresse la joue, le réconforte comme une mère inconnue en lui susurrant des chuts qui le calment doucement. Moi je m'approche de la lampe rouge. Attiré comme jamais. Elle m'appelle. Elle me parle. J'entends ta voix Linda. Qui es-tu ? Te caches-tu derrière cette lumière chaude ? Tout s'estompe. Je ne saurai pas.


Dans la nuit noire, je marche.

Je déroule mes pas, regarde les lumières qui bordent mon monde, par-delà la terrasse, par-delà la place que je surplombe, blotti dans l'alcôve, surplombant les rues désertes. Je vois passer parfois quelques chauve-souris, elles me font regretter de ne pas avoir d'ailes, d'avoir devant moi une vitre infranchissable qui m'empêche et me protège. J'aimerais sauter et les attraper au passage. Les immobiliser dans mes griffes et les mordre amusé. Elles n'auraient pas mal ces idiotes, elles seraient juste paralysées par leur peur, et moi je les ferai revivre un peu en les relâchant avant de les tuer. D'un coup de patte les faire retomber au sol pour les faire rebondir sous mes coussinets, à droite, à gauche, gauche, gauche, droite. Je me délecterai de leur peur irraisonnée, après tout, ce n'est pas si terrible que de mourir entre les griffes d'un chat. Elles trouveraient une autre vie, j'en suis certain. Et puis, à côté du raffinement de mes petites tortures joyeuses, ce n'est rien à côté de la gueule du cerbère, à la gueule tombante et baveuse qui dort à cette heure dans la maison d'en face, à tout le temps aboyer et me dire dans ses baveuses babines j'vai't'bouffer j'vai't'bouffer j'vai't'bouffer. Celui-là, si un jour j'avais la mauvaise idée de me laisser surprendre tandis que je pisse sur ses jouets à mâcher, quelque chose me dit que je n'aurais pas le temps de dire grand-chose avant de voir ma tête se rompre sous ses grandes mâchoires canines. En attendant, ici je suis le maître des lieux, encore plus lorsque mes papouilleurs dorment. D'ailleurs, dorment-ils ? Je vais aller voir cela. Je manque un peu de caresses à cette heure, alors me voilà dans leur chambre. Tiens ? Ils ne dorment pas. La lumière est très douce, presque imperceptible. Elle danse sous le pas de la porte. Des bougies qui me font un peu peur. Elle est sur lui. Assise. Ses reins bougent. Je la trouve très féline, ma maîtresse, elle le maîtrise. Elle le domine. Elle l'immobilise de ses cuisses. Je vois son gros sexe à lui entrer et sortir de son sexe à elle. Ils s'accouplent plus joliment que ne le font les chats, je dois bien l'avouer, et moi, ça me fait ronronner. Elle a ses mains autour de sa gorge et je crois bien qu'elle serre tandis qu'il est, lui, paralysé et qu'elle monte et qu'elle descend ses hanches sur lui, sur sa hampe. Elle lâche prise de temps en temps. Et lui inspire fort alors. J'aimerais bien qu'elle le fasse un peu saigner en lui mordant l'épaule, cela me permettrait de goûter à nouveau au sang de l'homme. Cela m'est déjà arrivé un jour où il s'était coupé, il y avait quelques gouttes par terre, je les ai léchées tandis qu'elle lui suçait sa plaie. J'ai déjà goûté aussi de son sang à elle en fouillant dans la petite poubelle de la salle de bain où se situe ma caisse. Mais c'était moins à mon goût. Il y a de la lumière qui émane de leurs corps. De la chaleur. Je me sens ronronner de plus belle tandis qu'elle intensifie ses mouvements, tandis qu'elle monte et descend sur lui, tandis qu'elle le tient au moins autant entre ses mains qu'entre ses cuisses. Me voilà contre ses flancs à lui, touchant de ma queue ses genoux à elle. Je l'entends dire "mon amour, je t'aime" et lui répondre "moi aussi Linda". Linda… Linda ? Est-ce le prénom de ma maîtresse ? Je me sens bien. J'imagine jouer avec quelques souris. Mes yeux irisés se tournent vers la lumière puissante qui, subitement, accompagnée de bruits de gorge et de bouche partagés, jailli de leurs corps. Je deviens lumière à n'en plus finir.


Tout est étrangement rose, rosé, rouge, sombre, lumineux autour de moi. Je ne comprends pas exactement les mots qui se disent. Mais j'en saisis la profondeur. Je suis malmené. On m'espère. Elles m'attendent. Cela fait longtemps qu'elles m'attendent. Mais moi je suis bien, je suis bien ici, il fait bon, doux, chaud, tout y est précaution, attention, tout y est cocon, coton, nuage tendre. Il y a un battement fort qui m'envahit. Un battement qui parfois est le mien, parfois celui qui vient du cordon qui me relie. Cela va vite. Cela me rassure. J'en reconnais les rythmes et cela me berce. Mais j'ai du mal à me concentrer sur ce bien être là. Qu'y a-t-il en dehors de l'enveloppe ? Qu'y a-t-il au-delà des muqueuses rassurantes qui forment le cocon exigu dans lequel je ne sais plus me mouvoir. J'entends les cris de rage, de douleur et d'espoir de celle en qui j'ai grandi. J'entends la voix rassurante de celle qui est souvent là. Maman. Maman. Mamans. Cela forme des bruits comme des battements de sang dans le circuit veineux. Maman. Maman. Moi. Battement. Battements. Maman. Des stries de lumière viennent inonder par à coup ce monde qui est mien depuis si longtemps. Mon royaume, mon antre. La pénombre rassurante est déchirée par une lumière violente et fait rentrer par bouffée de la fraîcheur en mon monde. De la fraîcheur sur le sommet de mon crâne. J'ai mal, je me sens oppressé, j'aimerais rester, mais si je le fais, je ne vivrai pas plus longtemps. J'en es l'intuition. Il y a urgence. Sois je cesse ici, sois je vis ailleurs. Je n'ai jamais eu aussi mal, je n'avais jamais eu mal en fait. Par contre, maman souffre à n'en plus finir. Moi aussi, compression, oppression, tout devient plus lourd, plus impossible à supporter, je vais finir écrasé sous mon propre poids. Broyé par je ne sais quelle mâchoire pugnace. Elle pousse un cri animal et surhumain, le cri d'une vie, le cri qui me fait vie. Dernier effort, ultime sursaut de vie et de souffrance, je me retrouve expulsé au dehors. Dans le vide et le néant. Quelques secondes en suspens, sidéré, aveuglé, je sens quelque chose de terriblement froid s'insinuer en moi, me brûler de l'intérieur avant d'expulser un cri qui me réchauffe trop peu, un cri et encore un, des sons qui jaillissent de moi et que rien n'arrêtera jamais plus. Je vais hurler et pleurer toute ma vie. C'est décidé. A quoi bon faire autre chose, si ce n'est exprimé ma douleur, mon malaise, ma peine d'avoir quitté mon monde de coton. Pourtant mes cris s'atténuent plus vite que je ne le pensais, finalement très vite. Me voilà enfin contre une peau, c'est chaud, confortable et réconfort, cela m'enveloppe et me ramène dans le cocon. Le cocon que déjà j'oublie. Il y a la voix de maman, j'entends celle de l'autre, cette autre voix de femme reconnue, ces deux voix s'adressent à moi. Ces deux voix me disent cet étrange monde. La souffrance et la chaleur. "Bienvenue ma petite Linda" disent-elles en coeur à mon intention.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Malemort

Dans la clarté de la nuit des songes en nuées là la Malemort où je ne sais quoi sort s'étire et s'enchâsse s'enlace jusque sous ta gorge griffant mordant soufflant le chaud et le froid sur la peau fine écarlate prête à geindre en mille éclats de lunes en ta face putasse ta queue branlée tes bourses lourdes mises à mal pour le long voyage la malle poste et ta tête branlante riposte étouffe entre les cuisses la douceur de la peau le tendre abrasé par ta barbe impropre parsemée de l'odeur forte de son con tant de fois baisé sous le lit des pinèdes qui là te font suffoquer ahaner en grande goulée giboulée et bâillon de bave embrassées nage nage petit poisson poisseux visqueuse bite guerre de tranchée perdue avant que la messe ne soit dite car l'avant fut fessé pris engouffré pénétré fouetté mâle mené foutraqué fourré comme jamais quatorze queues putargues avalées pour te voir plus tard t'affaler offert lustré ta sueur suie blanche crasseuse épaisseur criante et ton

Un répit

 L'un contre l'autre, assis dans le salon. Lumières éteintes. Quelque chose comme trois heures passées minuit. Les lueurs de la vie. Les solitudes choisies, subies. Tes mains qui me massent, nous apaisent. Le dos se dénoue. La colonne s'abandonne. Je sens ton envie. La mienne naît ainsi de la tienne. Je ne dis rien. Je ne suis pas même certain de le vouloir. Pourtant je le veux. Mais je crains l'après. Est ce que cela effacera l'avant ? Est ce que cela effacera le dernier mois ? Ce serait plus simple, mais je ne veux pas que cela efface. L'amnésie et l'oubli pour ceux qui craignent. Je suis capable de cela. Mais je ne veux pas. Alors tu demandes. Je dis oui, j'ai envie. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je ne sais pas si cela compliquera plus encore. Je dis cela, et je dis j'ai envie. Et tes mains continuent à glisser sur ma peau. Et tes seins, et ton ventre, et ton bassin, collés contre mon dos. Je bande. Depuis longtemps déjà. Depuis que

La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

  Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954 —-----------   Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes. Restons en bordure. Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l&#