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Nouvelle Vague

 Elle est à ses côtés. Assis là sur le banc. Ils prennent le soleil. Un banc public dans l'ancien jardin de la trésorerie. Aujourd'hui, et sans doute depuis longtemps, ce jardin ne porte plus ce nom. Nom de l'avant révolution. Il pourrait lui dire tout cela et elle l'écouterait sans doute patiemment. Mais ils n'ont pas beaucoup de temps. De temps en temps, ils déjeunent ensemble. Ça leur arrive parfois. Pas si souvent en fait. Ils se voient peu. Et lorsqu'ils se voient, s'est généralement improvisé. Il en a presque toujours été ainsi.


Pas toujours en fait. Car il y a eu des premières fois qui devaient se préparer. Ils ont tous les deux quarante ans et plus. Ce jour là c'était la première fois qu'ils se voyaient depuis le mois de juin. Le mois de septembre était là. Toujours l'été. Quanrante cinq minutes, peut-être une heure, c'est peu pour dire les choses. Alors les choses ne se disent pas. Ou alors qu'à demi-mot. Qui est-elle pour lui ? Qui est-il pour elle ? Il y a entre eux une forme de distance. Chacun retient ses mots. Chacun retient ses mains. En public, il en a toujours été ainsi pour eux. C'est un printemps fragile, elle peut disparaître en une petite brise d'air. Non, pas plus que cela. Il se connaissent pourtant depuis cinq ans. Ils ont baisé ensemble. Ils ont passé une nuit ensemble. C'était il y longtemps. S'aiment ils ? Pour lui, c'est facile de le ressentir, mais il ne le lui dira jamais, ou plutôt pas. Il se retiendra. Oh, il lui l'a bien écrit parfois… enfin… non, il ne le lui l'a jamais écrit si ouvertement.


Ce jour-là, elle s'est habillée avec une robe. Une robe aux tonalités noires, piquetée de couleurs ça et là. Tissée serait plus juste, les fils s'entremêlent, ils se croisent. Ce ne sont pas des fils d'une grande finesse, ils sont faits pour être touchés ces fils de laine ou de coton. Mais il n'en fera rien. Il restera au bout du banc. Il pourrait presque y avoir une personne entre eux deux, une toute petite personne. Oui, ce serait possible. Mais à la place, il y a son sac à elle. Un sac de cuir marron. Elle fume. Elle fume des roulées. Lui ne fume pas mais il aime bien respirer l'odeur de son tabac lorsqu'elle le consomme. L'odeur ne l'incommode pas. Il aurait même envie de la respirer plus encore. Est ce que c'est parce que c'est elle ? Ou est-ce parce que finalement, il doit être un peu passif. Il penche pour la première idée. Elle est évidemment plus belle cette idée-là.


Il y a de cela cinq ans maintenant, ils avaient pris le train ensemble. Un long trajet vers la capitale. Il était installé dans le train. Dans la partie haute de la voiture. Il l'a regardait dire au-revoir à son compagnon. Il les avait même suivis avant sur le quai. Ils étaient devant lui. Eux ne l'avaient pas vu. Lui, son compagnon à elle, était habillé avec un jean, des Van's sans doute et un hoodie. Oui c'est possible qu'il était habillé comme cela. Elle avait aussi un jean et un manteau serré à la taille, un manteau noir. Elle portait des bottes. De jolies bottes. Des bottes très belles, avec des lacets en ornement qui montaient sur le devant de la botte. Au pied un arrondi, un peu comme des rangers. Il s'en souvient de ces bottes, d'ailleurs ce sont ces bottes qu'elle porte ce midi pour leur rendez-vous méridien. Elle lui dira d'ailleurs que ce sont ces bottes. Mais il le savait que c'était là ces bottes.


Aujourd'hui, sa peau est ambrée. Elle a de beaux cheveux blonds. Ils partent un peu dans tous les sens et varient assez souvent au fil des années et des quelques rendez-vous qu'il aura eu avec elle. Il regarde le haut de sa cuisse. Il regarde la limite du tissu de sa robe sur sa peau. Il aurait envie de la caresser. S'il osait… oui, s'il osait ? Mais il n'osera pas. Pourtant, il sait. Enfin… non… il ne sait pas. Mais il a cru deviner. Lors de l'une de leur pause méridienne, elle lui dira que la tendresse lui manque beaucoup. Il croit se rappeler qu'elle a dit précisément "putain, mais merde ! Un peu de tendresse, merde !". Et lui cette tendresse il aimerait la lui offrir. Mais il ne l'a lui offrira pas. Peut être parce que c'est un printemps fragile et qu'à l'instant même où il aura posé sa main sur elle, elle disparaîtra aussitôt. Oui, peut-être. Mais peut être aussi. Parce qu'il sait aussi comme il fonctionne. Cette paralysie qui l'empêche parfois, ou peut-être même trop souvent d'être proche de ceux qu'il aimerait aimer plus ouvertement.


Ce jour-là, lorsqu'elle a accepté son invitation à partager un sandwich, il s'était dit qu'il se forcerait un peu plus. Pourtant il n'en fait rien. Il fait beau. Il fait doux. Ils sont bien là. Ils parlent de leurs enfants, de leurs vacances. Il prendra soin de prendre quelques nouvelles de sa maman qui a eu un mauvais accident quelques mois avant. Le temps passe vite et les voilà déjà à se diriger vers son bureau à elle. Pendant quelques mois, elle a travaillé proche de son bureau à lui. Il la croisait parfois à l'improviste, tandis qu'il était plongé dans ses pensées, en pleine tension professionnelle. Il perdait alors tous ses moyens, totalement déchiré par son incapacité à sortir de ces pensées-là pour profiter de cet instant. Alors devant les témoins de son travail à elle, lui n'avait qu'une envie c'était fuir, fuir devant tant de banalités, fuir devant son incapacité à la serrer dans ses bras alors que c'était sans doute là la seule chose à faire. Se réfugier dans ses bras. Peut être.


Un jour, il l'avait attendue sur la place de la gare. Et il l'avait accompagnée vers son travail. De toute évidence, elle n'attendait pas sa compagnie. De toute évidence, elle ne souhaitait pas de sa compagnie. Il l'avait perçu, et il voulait fuir, mais vraiment fuir. Il l'a quittée vite et il s'est dit ce jour-là qu'il ne la reverrait plus jamais. Parce que c'était trop dur. Il se disait ça avant de déjeuner avec elle ce jour de septembre ensoleillé. C'était trop dur. Vraiment trop dur de vivre cet émerveillement, ce coeur qui bat, de frissons dans le ventre lorsqu'elle le regardait avant qu'il ne se sépare et puis ensuite de n'avoir plus aucune nouvelle pendant quelques jours, quelques semaines et parfois plus d'un an.


Pourtant, il savait que ces silences ne disaient en rien qu'il n'était pas le bienvenu. Ces silences à elle, il voulait croire que c'était comme ses silences à lui. C'était peut être vrai. Parfois il aimait l'attendre à la sortie de la gare, se cachant pour pouvoir la suivre dans la rue. Parfois, il l'attendait en vain, quand elle choisissait ce jour-là de prendre sa voiture. C'était un jeu qu'elle aimait, qu'il la suive et qu'il le lui dise plus tard, voire qu'il ne le lui dise pas. C'était une façon de vivre différemment les silences. Il aimait la regarder marcher. Une démarche plutôt masculine. La clope à la main, le sac en bandoulière, les rangers souvent au bout du jean, parfois une veste en cuir marron, ou plusieurs épaisseurs de tissu et de laine sur ses épaules. Cette femme, c'était simple, tout le monde pouvait être ami avec elle. Les clodos lui parlaient et elle leur répondait avec sourire, prenant le temps de leur parler. Les marchands du marché la regardaient. C'était son attraction ces jours-là, la voir, voir son pas bonhomme, la suivre et la regarder.


C'était le même pas qu'il avait vu un jour, la première fois. La première fois, il était allé marcher dans les montagnes et avait fait un détour pour déposer dans une église une lettre à son attention. Pour trouver cette église, il avait laissé un autre mot sous la buvette de son village à elle. Pour trouver son village, il n'avait eu qu'une photo comme indice. Alors ce jour-là, il avait fait tout cela. Ils ne s'étaient encore jamais croisés, jamais vus. Ils avaient beaucoup cherché à se croiser mais avaient toujours pris soin de ne pas y parvenir, semant ça et là des indices, laissant une lettre ici sur le panneau de la place, là derrière un transformateur, ailleurs dans un arbre, et donc cette lettre dans cette église. En rentrant, il espérait la croiser. Mais sa femme a lui lui avait demandé de faire quelques courses sur le chemin du retour. Il croyait donc que c'était trop tard. Pourtant, c'est ce contre temps qui avait fait qu'il l'avait vu. Une robe bleue qu'il ne lui reverra jamais plus. Mais un pas qu'il aura vu bien des fois. Un pas de mec.


Cette femme avait le don de rendre beau n'importe quel homme, et lui, avec elle, avec cette femme qui avait de la gueule, de l'allure, avec cette femme qui ne cherchait pas à ressembler à d'autres femmes, avec cette femme qui aimait boire des bières, fumer des roulées, fumer des joints, avec cette femme qui prenait soin des autres, qui était féminine sans l'être, et bien, lui, il se sentait beau. Il se sentait vraiment beau. Et c'était encore le cas lors de ce déjeuner improvisé. Il se sentait bien là à ses côtés. Parfois elle lui demandait pourquoi cet attachement ? Pourquoi continuait-il à entretenir le lien ? Alors qu'elle ne donnait que peu le change, voire parfois pas du tout. Il répondait, parce que je suis bien avec toi. Longtemps ils s'étaient vouvoyés et c'était au bout d'un an, au moment où lui s'apprêtait à partir au bout du monde qu'ils avaient commencé à se départir de ce vouvoiement.


Ce vouvoiement, ils l'utilisaient dans ce train pour la capitale. Ils se préparaient à vivre une nuit ensemble. Ils l'espéraient cette nuit. Il l'espérait cette nuit. Le trajet a duré 3h20. Pendant ce temps, elle s'était enfermée dans les toilettes du TGV pour vêtir une robe noire élégante avant de venir s'asseoir face à lui. Ils ne se sont pas adressés la parole. Ils se sont écrits des messages, des SMS qu'ils s'envoyaient silencieusement, devant attendre parfois que le réseau se fasse. Et ils s'amusaient de cela. Ils se disaient le mot baise. Ils utilisaient le verbe baiser. Et lui, cela lui faisait du bien de pouvoir l'écrire ce mot. Parce qu'il avait toujours eu du mal avec ce moment. Là, ça allait. La nuit fut belle. Longue aussi. Au petit matin, elle a pleuré. Il n'a pas su pourquoi. Au plutôt si, il se disait, elle pleure car elle se demande à quoi rime toute cette intimité partagée et qui déjà au matin doit s'envoler. Alors il n'est pas allé à sa réunion. Il est resté avec elle et ils ont marché. Traversant le père Lachaise et marchant ensuite jusqu'à l'hôtel de ville. Parlant. Laissant les silences aussi.


Maintenant, elle est là, face à lui. Au pied de son bureau. Il tient son vieux vélo. Son vieux vélo l'accompagne depuis longtemps. Il l'avait déjà quand il était étudiant dans cette même ville. Une véritable antiquité héritée du père de son oncle. Le vélo l'empêche de la prendre dans ses bras. Et son regard lui dit qu'elle aimerait rester avec lui. Son regard lui dit, je ne veux pas que tu partes. Évidemment, c'est ce que son ventre à lui lui dit. Mais en fait, il n'en sait rien. Il ne le saura pas puisque lui ne fait rien pour le savoir. Il se dit que si elle ne le lui dit pas c'est qu'il n'a pas à le savoir. Mais elle peut tout aussi bien se dire la même chose. Alors il repart, le coeur un peu fragile, un peu gros et rétréci à la fois. C'est elle qui cette fois lui adressera un message avec une photo. Une photo du motif de sa robe. Il lui répond que ce motif là, c'est le motif qui se trouve juste au dessus de la couture de sa robe, de la limite de sa robe, cette limite qui marquait le début de sa peau. D'habitude, ils jouent à cela avec des photos qu'ils prennent dans la rue. Pas de question. Mais chacun sait que l'autre attend que soit deviné le nom de la rue. Lui est très fort à ça. Il peut passer des jours à chercher. À arpenter les rues jusqu'à trouver. Une fois, un matin alors qu'il n'arrivait plus à dormir à cause de ses douleurs au dos, il est parti marcher dans les rues vers 5h du matin. Et il lui a adressé une photo, lui parlant du chemin de halage. Elle lui a répondu que ce chemin, elle l'avait pris pour la première fois la veille et qu'elle avait hésité à lui en adresser une photo pour qu'il trouve. Mais elle était bien avec ses pensées à elle. Alors elle avait préféré cette solitude.


Au retour de leur déjeuner, lui s'en voulait. C'était toujours la même chose, il ne faisait pas ce qu'il se disait de faire. Ou alors il était maladroit. Ou alors il était empreint d'une retenue, d'une gêne, d'une réserve. Oh, par message, c'était facile ! Ça oui ! Jouer avec les mots sur une page blanche, il pouvait en faire des miracles. Mais face à face, avec cette femme qu'il aimait, ça ne l'était pas, d'autant qu'ils aimaient ces non dits, cette épaisseur du silence, ce qui relie même dans les creux. Mais il voulait que ça cesse, ou que cela ne taise pas l'essentiel.


Alors, après leur déjeuner, il se dit que trop, c'était assez. Il lui proposa quelques jours plus tard un nouveau déjeuner en précisant qu'il souhaitait lui dire quelque chose d'important. Ce quelque chose c'était quelque chose de simple. Il souhaitait lui dire le trouble qui était le sien quand elle posait son regard sur lui. Il souhaitait lui dire les nuits parisiennes à venir, lui dire, "je veux passer une nuit avec toi. Cela fait quatre ans que je ne t'ai pas touchée, je ne veux pas revivre le passé, je ne veux pas revivre notre seule et unique nuit, je veux juste vivre cette nuit avec toi". Vous pouvez croire que dans sa tête c'était la cinémathèque sur grand écran, tous les dialogues y passaient. Il ne tarda pas à lui écrire cette proposition de déjeuner pour parler d'une chose importante. Mais elle ne pouvait pas. Quelques jours plus tard, il décida de ne pas attendre d'être face à elle. Il décida d'écrire ce qu'il avait sur le coeur. Ce que toujours, ou souvent, il avait tu pour ne pas la brusquer. Pour ne pas rompre son équilibre à elle. Parce que depuis le début, il sentait que sa seule présence à lui pouvait mettre en tension son quotidien de couple et de vie de famille.


Il en avait toujours eu l'intuition. Peut-être les pleurs du matin parisien. Peut être ce bien être ressenti et partagé quand ils étaient ensemble. Peut-être parce qu'il aimait Lhasa et qu'elle de même, que l'un et l'autre ne pouvait partager cela avec leur conjoint respectif. Peut être parce qu'il était le seul, ou l'un des rares, à la comprendre dans son besoin d'écriture, comme dans son besoin de solitude. Mais cette fois, il ne voulait plus attendre. Alors, il lui écrivit quelques brefs messages. Elle lui répondit qu'il lui disait ce soir-là beaucoup de choses. Et elle semblait apprécier cela. Elle lui dit qu'elle avait cherché à avoir une formation parisienne pour lui proposer de la rejoindre, et qu'elle devait précisément avoir cette formation parisienne les jours où lui lui proposait de le rejoindre. Elle lui précisa que cette formation avait été annulée et que ce devait être un signe de la vie. Elle savait aussi que au fond d'elle, elle n'était pas vraiment prête. Peut être avait elle peur.


Pour la première fois depuis leur retour de la nuit parisienne, cinq années après, elle lui écrivit :


"J'aime ta liberté, tes jeux de mots, tes regards et observations fines des lieux, des gens, ta réflexion. 

Je me suis souvent imaginée ce que ce serait de vivre avec toi, de respecter le rythme de l'autre, ses envies...

J'aime que tu puisses t'installer seul à un café et que tu m'y invites par le biais d'une photo, que tu te balades à 5h du mat si le coeur t'en dit. 

J'aime tes mots à mon égard et tes invitations, que je décline pourtant, car... à quoi bon?

J'aime rêver à une écriture à 4 mains, à tes caresses parisiennes et à nos conversations faites de grands et de petits riens...

J'aime l'idée que tu puisses me suivre à mon insu et chaque fois que je marche seule, j'imagine que tu m'observes et m'accompagnes"


Ce soir-là, lorsqu'il l'a lue, lorsqu'il découvrit ces mots-là, il fut saisi d'émotion. Il était heureux mais il y avait quelque chose de douloureux dans cette émotion-là. Car il lisait aussi que ce qui était dit là, dans ses mots à elle, dans ses pensées à elle qu'elle avait toujours tues, voulait aussi dire, tout cela, je ne le vivrai pas. Lui, c'était facile de le faire changer d'envie, changer d'avis. Elle, c'était nettement plus difficile. Il avait toujours apprécié cela chez une femme. Les femmes de principe, de valeurs fortes, intransigeantes aussi, mais toujours justes. Il respectait cela. Énormément et ne luttait pas, ne se battait pas contre cela. Il oeuvrait juste pour l'accepter comme tel et vivre bien avec.


Ce jour là, après cet échange dans la nuit. Il n'eut plus de nouvelles d'elle pendant une dizaine de jours. Jusqu'à ce qu'elle lui dise que l'échange avait été trop impliquant pour elle. Elle lui dit qu'elle avait besoin de calme, de se recentrer sur elle.


Il y a un film qu'elle aimerait qu'il regarde. Il s'agit du film "Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait". Ce film devrait te plaire lui dit-elle. Il n'a pas encore vu ce film. Il comptait le faire ce soir. Mais ce soir il a écrit sur elle et voilà déjà le lendemain poindre. Il a lu que le film tentait de transcrire la théorie mimétique dans les relations amoureuses. Il a lu un peu de René Girard, et il n'est pas certain de vouloir voir le film. Mais il le fera.




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