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Entrelacs

 L'eau est calme. Seule une légère brise irise sa surface. Avec douceur et parcimonie. Ici, je suis seul au monde. Parfois, il n'y a aucun bruit. Aucun son. La nature m'offre son silence. Je la ressens, la respire, m'y fonds. Je suis ici le témoin privilégié du temps qui s'écoule au rythme des lunes. Lorsque le soleil s'échauffe je m'installe parfois sur un grand rocher arraché à la montagne, juché au balcon du lac. Les cimes ont commencé à se voiler de blanc. La chaleur est encore douce en ce début d'après-midi. Un vol de cacatoès noirs trace sa ligne en épousant les reliefs, s'évadant vers le bas de la vallée. Les prairies tourbeuses se gorgent des minéraux de la terre. Il faut deviner le chemin, marcher le pied léger, éprouver le moelleux de la terre, presque un ressort tant elle est attentionnée à envelopper votre pas pour vous offrir le prochain. Des wombats paissent, placides, les mottes de jonc, marchant lentement, la bouille attendrissante. Je suis seul au monde, mais je me trompe, je suis de ce monde. Et puis, il y a tes souvenirs, nos mémoires qui se touchent, nos pensées entrelacs. Dans le lac, je me suis baigné nu. J'ai marché sur le bord de l'eau, failli glisser après avoir dépassé la myriade de petites pierres saillantes fichée dans la terre humide ou plus vivement sous la plante des pieds. J'ai nagé dans l'eau noire sentant sous mon corps l'épaisseur du lac par degrés de température s'évadant vite sous mon corps. Plus loin, il y a une plage où j'aime marcher parce que sur cette bordée s'enfonçant dans l'eau, sous le regard des cimes, il y a sous le pied un amas de minuscules pierres rondes qui vous ensevelissent le pied en musique. Alors parfois, je m'assois, prenant dans la main une poignée de ces petits cailloux ronds, roulés par les siècles, adoucis par le temps et je les lance en cloche pour les écouter jouer leur musique sur la surface de l'eau écho des pierres. Elles me replongent baie de Maa, plage tropicale où le sable n'est qu'amas de fins coquillages, cornes de licorne en abondance, musique sous le pied qui s'enfonce, dentelle sous la main. Elles me replongent en toi, nue sous la couleur de l'automne, parée de feuille, à ma vue liquide avant que nous ne nous réfugiions dans la petite cabane de bois les pieds dans l'eau, un feu pour réchauffer ta peau marquée de mes traces de pattes, griffée à la taille, ensevelie sous le désir saillant et mordue à la gorge. L'odeur du bois brûlé, la fumée que l'on perçoit dans l'air et qui donne aux fins de journée d'automne la saveur du temps suspendu. Tout devient calme après l'ardente baise que nous nous sommes offerts à l'abri des charmes et des hêtres, les genoux fouillant son mélange de terre noire, de feuilles mortes et de filaments de mousse verte. Jaunes, brunes, dorées d'éclat de vert et de filament de verdure. J'ai saisi ta gorge, serrant pour te priver d'air et te remplir d'abandon. J'ai pénétré ta chair, douce et accueillante, restant profondément ancré en toi, mon bassin épousant le tien, accentuant sa pression, pour que nous nous enfoncions dans le sol sans mouvement apparent, juste par le transport de nos corps, pression appliquée, permanente, sans brutalité. Là sur ton ventre des feuilles s'échouaient après avoir navigué dans les airs. Ensevelie sous l'automne, fichée en ton monde, tu as fini par m'emporter au tréfonds de ton lac et les doigts s'enfonçant dans la peau de tes hanches, écorchant de tes lèvres quelques râles abandonnés, je suis devenu à moi seul la saison morte, vrillant telle une feuille, j'ai feulé, animal des forêts, tendu à l'extrême avant de m'écrouler sur ton corps, gisant à mon tour sous l'automne, cherchant la chaleur réconfortante de ton corps, la douceur de ta peau, la tendresse de ton ventre, sombrant dans le presque sommeil, la main alanguie sur les grains de ta peau, le regard perdu dans les couleurs brunes de tes yeux parsemés de lumière. Un chevreuil est passé tout proche. S'arrêtant pour nous regarder avant de poursuivre son chemin. Nous avons regardé côte à côte le faîtage des arbres clairsemant le ciel de tâches de lumière. Cette même luminosité qui à l'instant en ce bord de lac, me ramène aux souvenirs d'un automne. Je profite de la brise sur le lac. Envahi par l'air frais, apaisé par le parfum de la neige qui se glisse dans l'air, annonçant peut-être sa chute pour demain. Je profite du soleil, nourri de ses derniers rayons chaleureux, nu sur le grand rocher, lové en ce cirque montagneux. Nettoyé du vacarme des hommes, je laisse aller mes pensées, plus bas, vers le lac aux eaux couleurs orangées et notre cabane de bois.


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