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La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

 


Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954


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Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes.


Restons en bordure.


Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l'accès.


Poussez cette porte.


Derrière la porte, le sol carrelé, de larges carreaux de noir et de blanc mènent à un escalier de bois patiné par le temps. Les bruits de la ville déjà s'effacent, s'estompent, comme absorbés par les murs épais. Seuls quelques bruits étouffés de la rue parviennent à l'oreille de ceux qui s'échappent ici, un léger parfum de tortillas aussi, pour le reste, les occupants se préparent à un autre voyage. Au premier étage, trois portes de gris noir, des enferrures qui ne servent plus qu'au décor permettaient aux habitants de voir qui venait frapper à leur porte.


Entrez sans bruit.


Derrière, un couloir large et une baie de vitraux, un sas avant. Avant quoi ?


Poussez la première des portes


Vous voilà arrivé en la habitacìon des los suenos. Una ventana qui s'avance sur la rue, cachée des regards extérieurs, un petit siège pour s'y installer, profiter d'un livre, de la lumière, ou pour s'y installer simplement nu, dans un cocon de verrière et de boiseries, un cocon tissé des prémices des songes.


Rêvez donc ici.


Délestez-vous du trop, délassez-vous, le temps coule ici pour vous. Tout proche se trouve una otra puerta. Un grand lit cossu, deux tableaux de visage et des lignes à l'encre de chine, une fenêtre qui, ouverte, offre le rythme de la ville, et en face une façade bleu qui vous servira de ciel sur l'autre côté du versant. Plus loin, derrière encore la Plaza Unamono et le grand escalier qui arrive ici des colines pentues sans croix rousse. Vous pourrez fermer la fenêtre et vous isoler dans le havre de la chambre des rêves aux étoffes sobres et douces. Vous pourrez tirer les rideaux épais ou déplier quelques battants de bois peint de blanc épais. Vous pourrez plonger dans ce qui sera ici le nid de votre intimité. Un repli sur vous et en ce qui se cache en vous de plus doux, de plus vaste.


Fermez les yeux, rêvez, regardez.


Ici se cache un immense paysage qui fleurira au creux de l'homme fleur, dans le ventre de la femme d'air, en bordure des moulures qui orne ici le ciel de plâtre, s'effritant sous les respirations emmêlées des amants et les rêves de ceux qui vibrent éveillés et sombrent dans leurs nuits. Il y a ici un homme qui caresse ses rêves, effleure la peau de son sexe, s'ennivre de la douceur de sa queue, de la chaleur de son gland. Il y a ici un homme qui rêve et ressent les caresses de celle qui l'accompagne. Il lui montre, s'offre au regard, l'invite à se délecter et à flotter sur son rivage, à la bordure du plaisir, pleinement dans le désir. Le désir de l'étreinte et du temps suspendu, s'offrir à l'autre en un immense amour comme une nature luxuriante, un paradis perdu, une clairière lumineuse à la lisière du bois, guetté par les ombres bienvenues, caressant le soleil. L'homme est envahi par sa propre chaleur. Nu sur le lit, son sexe tendu, il se montre, il s'exhibe, nul ne dira qu'il se branle car le voilà absolument caresse et peut-être ange. Dans une lenteur enivrante sa main se fait femme, enveloppante et sûre d'elle délivre en tout lieu la forme de l'abandon. Il s'abandonne à ses rêveries, il s'abandonne à elle, rien ne le retient. Il s'est qu'il n'est pas particulièrement beau mais il sait qu'en ces instants il est beau, lumineux, empli d'un amour qui anfle en lui, déborde sa peau, le gland soyeux, le vit et les veines en relief, enveloppe de satin et source d'une chaleur irrésistible. Ses doigts deviennent comme l'eau qui berce. Il sait qu'il est vu, qu'elle le voit et cela crée en lui ce sentiment d'amour puissant, une communion avec lui, avec les battements de son coeur, avec le liquide qui sourde ses lèvres. Est-ce sa danse de l'amour, sa façon de séduire, il est un ange qui devient un animal, un chat qui se frotte, un chat qui apporte un bien-être rayonnant.


La cheminée de la chambre pourrait chauffer à loisir, elle n'innonderait pas le coeur de cette lumière-ci, elle ne troublerait pas le sang de la sorte, elle ne toucherait pas aussi délicatement le cœur, elle n'étreindrait pas aussi furieusement le ventre que ce qui là se dégage de l'homme qui s'abandonne au creux du lit, sous son regard à elle. S'abandonne-t-il à elle ? S'abandonne-t-il à lui ? Il communie à la vie, à l'instant, il devient le désir, il devient la chair, la chair au goût sucré, il devient cet animal qui s'allonge au soleil, qui éprouve la rugosité du granit, qui laisse s'écouler le sable doré entre ses doigts, qui éprouve sa force sur les chemins pentus, qui se laisse porter par les courants, il devient la lumière et l'amour. Il n'est plus vraiment là, tout à ce qu'il fait et qui des heures pourrait durer, il s'est enivré d'elle, de ce qu'il perçoit d'elle, de ses profondeurs, de ce qu'elle cache, de ce qu'elle montre. Il a ses doigts fichés en elle, dans son sexe, son ventre, ses lèvres, les profondeurs de son cul, l'humidité de sa bouche. Elle le laisse faire cela, elle le désire profondément et sincèrement. Il a ses mains refermées sur sa gorge, il observe son souffle, plonge dans ses iris, s'extasie devant son regard qui explose et se voile. Quelque chose sème des graines sous sa peau, fait pousser des fleurs suaves, merveilleuses dans ses entrailles, fait surgir des parfums capiteux, des gousses de vanille, des pommes lianes juteuses et subtilement acides, des pins colonnaires qui touchent le ciel et des lagons bleu-lumière.


Il sent la bascule, il sent l'onde, la vague, la déferlante qui s'apprête à le saisir et l'électrifier, le plaquer au sol, il ne cherche pas à s'agripper à la berge, il se laisse emporter par le flot de la présence de la femme, il se retrouve projeté là, sur le lit, sous le plafond de plâtre, sous le lustre de cristal, dans la chambre des rêves, au pied de la Plaza Nueva, à l'angle de la kalea Libertate. Voilà son sexe qui se dresse seul, se gorge encore de sang là où il n'y a plus de place, emplissant la bordure du gland rougeoyant toujours aussi chaud et doux. De sa voix débute une plainte, une plainte longue qui surgit de la nuit. Elle le regarde, chamboulée par l'offrande, éprise de la nature même de l'homme fleur, homme nuage, homme vitrail, lumière, feuille, brindille, emportée par un souffle, la vie, la communion au monde, à la lumière des bois, à la tendresse des alcôves, au parfums secrets et à la pénombres des sous bois. Et son sexe tressaute en des jets longs, animé par une vie propre, le sexe d'un homme devenu chien, éructant sa semence en tressautements, abandonné à sa nature, touchant de près les cieux avant de finir cotonneux et ailleurs dans le confort ouaté du lit, finissant par s'assoupir sous le regard de la femme ville, sa chaleur, son humanité profonde.


Le ventre, le torse, le bras maculé du laitage épais, il veut garder ses traces, ses traces qui sont celles de la femme, il veut s'endormir avec elle, sombrer encore dans la chambre des rêves, s'endormir sous sa peau et lécher ses pensées, comme on lape le lait. Il se niche sous le drap et la couverture, sombre quelques instants incertains, non loin des bruits de la ville. L'homme se lève, beau et nu, le sexe petit d'un enfant, vidé de sang mais plein d'un autre monde intérieur. Il est encore tout au monde, à sa perception intérieure, son monde poétique qui ne se lit que dans les mots, son monde poétique dont il n'est pas certain qu'il puisse vraiment exister en lui. Un état second qui laisse venir les choses, un état second, le même état que celui de ses caresses mais cette fois dans le mouvement des impressions fugaces.


Il s'avance vers le salon, touche son torse, constate que sa semence n'est plus sur son torse. Debout, il plonge sa main dans la douceur de ses poils, sur son bas ventre, le pubis, le pubis cette fois plein de foutre, mouillé, encore chaud, délictueux et animal. Il plonge ses doigts, surpris de la force de cette sensation. Ses profondeurs se réveillent, l'ombre se lève comme un nuage lourd, noir, menaçant. Ses deux mains se joignent dans le pubis, étalent le foutre, le sentent, folles, les voilà prises d'ivresses, à nouveau inondées de désir. Un désir puissant cette fois, non pas une communion à la lumière. Non. Une communion à la nuit, après l'éveil du printemps, la puissance mauvaise du sacrifice, le sacre de la nuit.


Il veut se branler. Il veut se branler violemment. Il porte ses doigts à son visage, sent l'odeur forte de son foutre, son sperme, sa semence, son jus, son odeur de sang et de fer, et il perd pied. Le désir mille fois décuplé. Au plus profond ses tripes, pris par le désir puissant et dévastateur de lui montrer ses entrailles, parce que c'est elle qui le reconnecte à son monde charnel de rêve, c'est elle qui le fait homme nouveau, animal violent. Animal de la nuit, diable de Tasmanie s'échinant, ravageur, les dents dans la chair, déchirant les muscles, il crache sur son sexe alors que déjà il le branle furieusement. Il crache encore en un long filet de bave, un troisième et un quatrième qui s'échoue à la base de son sexe encore fin et mou, aussitôt étalé par sa main folle, il veut qu'elle le voit. Il durcit. Il serre le gland. Ne le lâche pas. Serre. Va, vient. Encore. Sans jamais lâcher le gland. Regarde. Regarde qui je suis, dit-il. Regarde la nature qui coule en moi. Regarde le sang vif. Elle ne voit que cela, transportée et le sang bouillonnant au bord du coeur. La transformation du printemps, le changement des saisons, le vent qui souffle tempête, le crachin sur la peau, l'ondée chaude des tropiques, le bruit assourdissant du désir, regarde, je suis le Fou et l'Ange lui dit-il. L'expression de l'irrésistible communion. En quelques secondes, le voilà emporté par l'ahurissant désir, le vif de la vie intérieure, abandonné encore, annihilé de toute autre volonté que celle de se branler, se branler, se branler, se branler. S'ébranler encore.


Rapidement en transe, son échine s'arque, les muscles de son dos le font monstre. Sa plainte, un autre animal, un monstre des cavernes qui se dévore lui-même, aspiré par elle, son désir, sa présence, son regard, son animalité et ses vices, sa douceur et sa folle tendresse de l'accepter sans aucun convention. Il s'écrie écrasé par le plaisir, l'immense plaisir qui le cloue au ciel. Le parquet de chêne s'effrite sous ses pieds, il s'enfonce, englouti par le monde de la chambre des rêves. Ses jambes peinent à le soutenir. Perdu dans son monde. Il reprend souffle.


Quelque part au premier étage d'un vieil immeuble, derrière une fenêtre en alcôve, les bruits de la rue émergent en fraîcheur, proche de la place festive, un point invisible dans la vieille ville.


Installez-vous.


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