Deux corps exténués par la longue journée de marche. Ils ne se sont pas mélangés sur le chemin, se frôlant par instant, se touchant par accident aussi, s’éloignant, se retrouvant, tanguant au gré des pas, pris par la houle du mouvement. Deux corps, deux êtres singuliers, différents, se reconnaissant sans trop de mots et se trouvant par instant, se rapprochant pas après pas, le temps s’écoule en nuages, en pluie, en forêt d’eucalyptus, en chatagnier séculaire, en paroles confiées, en moments de vérité. La pluie tombe, sous l’abri, ils se plongent, prennent soin dans l’allongement du jour, l’un de l’autre. Del cielo cae agua. Lluvia poderosa. Lavame lamente con agua fria. Y saca la pena de mi memoria. Deux corps l’un contre l’autre après une journée sous les nuages au bonheur de trouver les choses belles, simplement belles, possibles, souhaitées, sans trop de mots. Dans l'alcôve, bercé par le fracas des vagues sur la plage, dans la chaleur réconfortante de la chambre, une peau contre une autre, quelque chose qui se passe, quelque chose qui rentre dans la peau, sans effort, sans douleur, dans un même mouvement, deux peaux qui se rencontrent, qui se savent, se découvrent et se reconnaissent. Deux peaux qui se murmurent sans un mot, s’apprivoisent au toucher, au creux de la vague qui déferle sur les corps. Des mains qui massent, qui tirent, qui tendent, qui glissent, qui impriment quelque chose de l’insondable. Deux peaux qui se parlent sans un mot. La pulpe des doigts, les phalanges déployées, le creux de la main, la paume, le tranchant, les os, les muscles, la chair, de tout le bras jusqu’à son extrêmité de peau. La peau glisse, s’étale sur la poitrine, la déploie, la cajole, l’enrobe, en souligne les contours, les frontières, en raconte les sommets, les pointes dressées qui s’épanche sous le poids du bras, qui bondissent entre chaque doigt. La pointe des seins comme un champ de blé sous le souffle du vent. La caresse de tout le bras, l’odeur de terre, d’herbe, de feuillages odorants, voilà le bras qui se fait serpent, serpent glissant sur la dune, laissant traîner chacune de ses écailles à l’unisson du tapis de sable qui l’enveloppe et l’emporte dans l’autre monde. Deux peaux.
Hier, je suis rentré du chemin retrouver les miens. Douze jours loin d'eux. Douze jours sur mon chemin. Cette année, j’ai passé sur le chemin dix jours seul, et j'étais merveilleusement bien. Cette année, j'y ai passé aussi pour la première fois deux belles journées et deux nuits fauves toutes particulières, et c'était naturellement et vicieusement merveilleusement bien, j'étais bien avec elle. J'étais bien avec toi. C’était bien d’Être avec toi. J’ai débuté ce chemin, il y a treize ans après une crise profonde au sein de mon couple. Pendant ces treize ans, je crois pouvoir dire être devenu l’homme que je voulais être. Nous avions à cette époque, douze années de vie commune derrière nous et une petite fille de deux ans. J'avais tellement vécu pour toi et pour les autres que je ne savais pas qui j'étais. Depuis, si ce n’est l'année de naissance de mon fils il y a dix ans, deux années calédoniennes, et deux années sous cloche sanitaire, j’ai arpenté ...
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