Nous nous laissons flotter dans l'eau chaude du lagon. Tous deux assis, côte à côte, les pieds dans l'eau, dérivant doucement sur le paddle confortable. Nous avons choisi de nous éloigner du rivage. Il n'y a pas beaucoup de monde. Mais c'est déjà trop. On ne dit rien. Ou plutôt si, nous disons, nous sommes bien. Passé le milieu d'après midi le soleil ne mord plus. Il chauffe, il dore, il caresse. L'eau, elle, ne varie pas. Elle est accueillante toujours. Sous nos pieds nous regardons la colonie des poissons électriques, des balistes Picasso affolés par notre présence, des loches mouchetées immobiles entre les patates de corail. Un petit pointe noire passe dessous notre embarcation. Nous l'avons vu arriver de loin et savons qu'il poursuivra son chemin sereinement. Tout est paisible, jusqu'à la petite brise qui nous caresse. J'hésite à revenir sur cette nuit. À lui dire, comme elle m'a emplit de belles choses, à lui égrener tout ce que j'ai aimé. Son regard et son visage rouge tandis que je la prenais. Sa respiration lorsqu'elle dormais. Mes soupirs alors qu'elle me léchait. Ce qu'elle m'a dit, impératrice en m'imposant le supplice de son choix. Sa main sur mon épaule et sa cuisse sur mes hanches. L'infinie tendresse que m'inspire son tatouage. Les secrets que nous nous sommes dévoilés. Le parfum de son sexe et sa langue se jouant de la mienne et plus tard de mon cul. La tendresse de son ventre et la légèreté de ses seins. Ses lèvres et ses mots sales que l'un et l'autre avons scellés. Y a t il seulement une fin à cette liste ? C'était notre première fois, et déjà demain elle part. Je pourrais être frustré, me dire que j'aurais dû aller plus vite, lancer mon petit caillou sur la marelle, directement au paradis. Au lieu de cela, je n'ai rien fait. Je me suis laissé flotter, bercer. Je n'ai plus envie de faire de plan sur la comète, de calculer, de presser, d'espérer ou de naviguer pour conquérir. Non, je préfère me laisser flotter. Laisser venir les choses, au grès des courants, des alizés, au grès de ce qui doit être. Ou ne pas être. J'en ai eu une conscience aiguë, il y a quelques mois, un soir, tandis que j'avais envie d'être dans les bras d'une femme. J'aurais pu, j'aurais sans doute pu tracer mon chemin d'un sillon décidé, jusqu'aux peaux qui se touchent, jusqu'aux effleurements, jusqu'aux vagues lourdes d'écume. Pourtant je ne l'ai pas fait, parce que cela aurait été un soir, une nuit. Parce que cela n'aurait pas eu de sens au delà de m'offrir un rivage où échouer pour une heure, ou deux. Je n'ai rien fait, et cela m'allait. Je n'ai rien tenté, et cela me convenait. Hier soir, après trois semaines à ne pas cesser de nous croiser, de parler, de sourire et de mots légers et profonds, il était évident que nous n'avions plus besoin de nous laisser flotter. Alors, dans cette tente, sous le vacarme des pétrelles, notre nuit fut celle des plaisirs et des rires. Profondément touchés l'un et l'autre par ce paradis là, nous avons dérivés lentement. Ensemble. Le temps s'écoule, bientôt nous rentrerons sur la grande terre, puis viendra le temps de son envol. Je l'accompagnerai. Elle en est d'accord. Je la regarderai partir comme j'ai vu partir tant de mes visiteurs passés, amis ou famille. Sauf que je désirerai profondément disposer du don d'ubiquité pour ne plus lui lâcher la main et me glisser à nouveau entre ses cuisses par la langue et mon sexe, par ma peau et mots. La brise nous ramène au bord de l'îlot de sable blanc. Un tricot rayé se faufile sur l'eau. Une tortue verte profite de l'herbier. Quelques demoiselles croisent notre chemin. Petit paradis, cette fois sans marelle. Je lui tiens la main et ces mots viennent sans penser.
"Je suis bien, là
J'étais bien, hier sous tes doigts
Je veux rentrer, avec toi"
Elle m'embrasse et m'entraîne loin sous la ligne de flottaison.
Je l'avais lu ailleurs, je le temps avec plaisir ici..
RépondreSupprimerIl donne l'envie d'être cette femme, avec vous