Accéder au contenu principal

Parure d'outre nuit (des vies en une)

 Il y a dans ma chambre une petite boîte dans laquelle je dispose des objets précieux, dérobés, glanés, empruntés ou offerts. Chacun de ces objets forment des passerelles vers des ailleurs, des moments passés, des souvenirs, des choses sensibles et importantes. Quiconque ouvrirait cette petite boîte de carton orné de couleurs douces et chaleureuses aurait ici l'impression d'un drôle de fatras qui ne pourrait faire sens. Il y a quelques jours, je regardais les enfants jouer en bordure de la forêt. Ils s'étaient construits une petite cabanes, un peu comme une tipi. Toutes les branches alentours avaient été ramassées, traînées puis dressées par la force conjuguée de leurs petits bras. Je me suis avancé au seuil de l'entrée et je les ai vu jouer, assis en cercle. Devant eux il y avait un morceau de rubalise, des feuilles de toutes sortes, hêtre, houx, frêne, chêne, des glands, des balais fleuris, des pierres anguleuses, des petits cailloux, des galets ronds, des poignées de mousse, une bouteille en verre, le reste d'une boîte de conserve, un vieux nid de guêpe. Ils jouaient, donnant l'illusion que chaque objet avait un sens, une fonction. Moi, je n'y voyais qu'un amas de choses incongrues.


Hier en rangeant ma chambre ce soir, j'ai pris le temps d'ouvrir ma boîte, je me suis remémoré cette scène enfantine et joyeuse avec les enfants, je crois que je suis moi aussi toujours une enfant. Ce fatras d'objets n'en est pas un. Ce sont pour moi des moments de vie, des objets que je porte parfois en parure lorsque je sombre dans les bras d'un autre, une façon, je crois, de plonger loin dans mes profondeurs et sans que personne ne le sache d'emmener toutes celles et ceux qui vivent en moi et l'on donner un peu de leur intime.


Ce soir je rencontrerai un nouvel amant, il va être temps d'ouvrir mes secrets et de m'en parer.

.

.

.

.


La plume


Mon cœur bat, il court. Exhibitionniste, il me dit vouloir sortir de sa cage thoracique. Pour que je le regarde battre tandis que l'homme derrière moi s'approche dans la pénombre profonde. Je suis passé du soleil à la nuit, de la chaleur lumineuse de l'été à la fraîcheur des fins de nuit que l'on repousse à coup de reins et de baise. Il est là, je sens sa chaleur. J'ai froid et j'ai chaud. Verrait-il mon coeur si je le déposais là, dans les méandres sales de ce garage abandonné ? Le verrait-il frémir à l'idée que dans l'instant qui va suivre, il va me couvrir de tout son corps. Moi, plaquée contre le mur, les mains et le visage noirci par la suie amassée contre le fond de ce garage dépotoir. Je sens l'odeur de l'incendie. C'est le parfum de mon sexe qui exhale et se mêle aux décombres poussiéreux. Fauteuil éventré. Carcasses de pneus. Papiers salis, déchirés, décolorés. Il a levé le portail froissé, puis l'a refermé dans le même bruit de tôle frottant l'acier, grinçant sur ces ressorts avant de le refermer sur moi. Proie offerte, cachée dans l'ombre profonde de cet endroit. J'ai entendu ses pas, il s'approche et la distance qui me sépare de lui m'apporte des vagues suppliantes qui se mettent à courir le long de ma colonne vertébrale. Je rêve qu'il me brise de ses assauts. Qu'il se répande en moi, me soulève pas dessus terre. Qu'il fasse de moi un pantin désarticulé qui n'aura plus qu'un cœur pour bouger. Un cœur battant. Un cœur suant le désir d'être prise, emmenée, malmenée. A mes pieds, le tissu de ma robe, le coton de ma culotte. Quelqu'un ici a dû pisser. Est ce que c'est lui ? Est ce que c'est son odeur ? Est ce qu'il vient ici se branler quand il est en manque ? Baiser quand l'une ou l'autre s'offre à lui ?


Son corps est tout proche désormais. Mon corps lui crie de venir se frotter contre moi, de plaquer mon visage sur les moellons bruts et noircis, d'y coller mon ventre et d'aller et venir en moi, frottant ma peau contre le mur, comme un meuble que l'on poncerait jusqu'à effacer son vernis. Qu''il imprime jusque dans mes pores la force dévastatrice et morbide de mon envie de sexe. Qu'il m'anéantisse une bonne fois pour toute, la joue contre le mur froid, mon maquillage désoeuvré et mon sexe embourbé de son membre. Je sens sa chaleur m'envahir. J'entends et je sens son souffle sur ma nuque. Je sue. J'ai froid. Des gouttes de sueur perlent sur mes lèvres, sourdent à la naissance de ma chevelure, ourlent ma nuque et mon entrejambe. Il ne me touche pas. Mais il appose ses mains à quelques millimètres de ma peau. Mes cuisses s'écartent. Mes lèvres psalmodient je ne sais quelle litanie du désir.


Sa chaleur est douce. Elle me semble être à l'opposé de ce que mon désir hurlait à l'instant. Pourtant, je me sens bien, apaisée, sans contre-temps. Comme s'il avait su changer en un sortilège mon ciel d'orage en douce et chaude averse de pluie tropicale. Quelque chose de doux frôle ma peau. Inattendue caresse qui referme subitement la plaie encore béante. Une plume sûrement. Elle forme des arabesques sur ma peau, esquisse des envolées au creux de mes reins, elle borde l'ancien torrent devenu ruisseau de plaine. Je murmure mon plaisir. Chatte jusqu'au bout des ongles. Le visage posé contre le mur, mes seins à leur tour souillés de suie, je ronronne d'aise. Ses baisers viennent délicatement décorer le lobe de mes oreilles et fleurir la douceur de mes épaules. Il me mord doucement comme un petit chat s'amusant de sa jolie proie. Je l'appelle. Je lui dis de venir. Je lui dis de me prendre. Je lui dis de se glisser en moi. Il me répond en murmure qu'il ne peut pas. Pourtant, j'ai entendu le tissu de son pantalon tomber au sol, la boucle de sa ceinture teintant dans sa chute.


Pourtant je sens sa verge contre ma peau. Pourtant je sens la chaleur de son désir caresser mon intime démesure. Il se branle contre mon sexe. Il s'échauffe contre moi. Une de ses mains s'agrippe à ma hanche, enfonçant ses ongles dans ma peau. Nos plaies béantes s'ouvrent à nouveau. Sa main joue de son sexe contre le mien. Je veux à nouveau que mon corps soient heurté, saccagé, fouaillé. Je veux plus que tout dans l'instant que sa bite devienne tentacule monstrueuse et se mette à forrer mon corps, partant de ma fente pour finir par jouer les jumelles avec ma langue vicieuse. Je sens à cet instant son foutre inonder mes lèvres et mes cuisses. J'entends les gouttes qui s'écrasent à mes pieds dans la poussière infâme de cet endroit. J'entends son cœur battre. Il a dû le déposer à mes pieds. Il bat au même rythme que le mien, gisant lui aussi à nos pieds, dans la poussière, les traces de suie, de pisse et de sperme. Il place dans ma main la plume et lentement se retire. Je place ma main entre mes cuisses, je recueille le foutre et le lèche. Je reviens à l'origine de mon monde et je me mets à me branler comme une possédée, une main dans mon con, l'autre serrant doucement la petite plume en son creux. Je jouis en silence dans un rai de lumière bref tandis que le bruit strident du portail ponctue son départ et me ramène à la nuit.

.

.

.

.


Le ruban


Elle m'a offert un ruban de satin rouge. Il est fin. Il est doux. Elle offre ces rubans là à ses amants pour les lier à sa vie. Dans le secret et la lumière. Moi, j'ai envie d'elle. Je songe beaucoup à elle. Un jour, j'ai réussi à trouver son adresse, j'ai fait le chemin jusqu'à elle. Déposant dans sa boîte aux lettres des feuilles trouvées dans le parc. Le passage d'un petit animal sauvage. Message qu'elle saura déchiffrer sans alerter sa famille. Puis je me suis posté dans la rue, au pied de son immeuble. Scrutant sa terrasse. Je l'ai vue. Je la découvrais réellement pour la première fois. Petit être de lumière, fée sur la terre. Un fichu de tissu dans la masse de ses cheveux ondulés et grisonnants, je l'ai regardée vaquer à nos vies communes. Et mon cœur battait.


Aujourd'hui, je me suis réfugié dans les toilettes de l'ancienne demeure bourgeoise qui abrite mon travail. Il faisait froid. Je brûlais de désir pour toi et j'avais dans la main notre lien de satin rougeoyant. Je me suis mis à nu. Je n'ai pas seulement baissé mon pantalon ou ouvert ma braguette pour sortir mon sexe gonflé. Non. J'ai ressenti le besoin de me mettre à nu, dans cet endroit exiguë, dans ces toilettes de la petite tourrette dont la porte donne sur le grand escalier. J'entends les va et vient des gens qui montent et descendent. Mais vite ils disparaissent car je me plonge en toi, en nous, dans la lumière de notre dernière promenade d'automne à la rencontre de l'esprit de la forêt, la force tellurique du fauteuil du seigneur et l'onde apaisante de notre dame du lac.


Ce monde que tu portes en toi et que tu fais naître en moi, petite licorne, âme chatoyante et corps de poche que tu aimerais tant que je vienne à malmener un peu plus encore. Mon sexe est dur. Mon sexe est chaud. Le couvert de mon gland est d'une douceur que je ressens en une belle tendresse au sein du cercle que forme mon pouce et mon index. Je me caresse avec dans ma main le ruban de satin. Le sexe fièrement dressé, face au reflet du miroir qui ne sait pas me voir, je tapote mon frein du ruban de satin doux tendu entre mes deux mains, enroulé autour de chacune de mes mains. Le tissu tape, touche, onde mon sexe comme un arc tendu adressant ses flèches en plein cœur. Le rythme s'accélère, réfugié dans mes pensées de nous, fondu en notre monde, tissé par ce lien et uni à ton cœur, en un spasme brutal je finis par jouir et voir le sperme projeté contre le miroir émaillé. Échouer contre la faïence blanche. J'ai du mal à reprendre souffle et esprit, je te sens contre moi, tes seins tendus sous mes mains, ton petit cul rond lové contre mon ventre, mille tatouages racontant ton histoire et moi si vierge à tes côtés, si désemparé mais si ancré en toi. C'est avec toi que j'ai eu la sensation de faire l'amour pour la première fois. Touchant le fond de ton sexe et jouissant plusieurs fois sans jamais te relâcher, petite sorcière chétive et délicieuse.


Tu m'as offert ce ruban me disant qu'ainsi tu serais toujours avec moi, gardant avec toi l'autre partie du ruban. As-tu conservé ce ruban par devers les années qui nous séparent désormais ?

.

.

.

.


Un anneau d'or


Des corps nus enchevêtrés. Des femmes. Toutes des femmes. Des sexes à n'en plus finir. Des bouches plongeant dans les chairs intimes. Des langues tels des vers fouillant les interstices de nos peaux. Qui venait me léchait tandis que j'embrassais mon Ève ? Qui venait me fourrer de ses doigts tandis que ma main toute entière disparaissait en une nouvelle Lilith ? Qui venait m'étouffer de tout son cul, m'ensevelir sous sa peau, me priver de tout air tandis que mes mains pinçaient à loisir ces seins lourds et magnétiques ? Je me faisais prendre et baiser, fourrer et aimer, fesser et caresser et je rendais au centuple à mes elles. Je pissais et j'éjaculais ma mouille en des jouissances merveilleuses et extatiques, j'offrais au moins autant si ce n'est plus ce qu'elles me donnaient. La musique nous recouvrait de ses pulsations lentes. La lumière sublimait nos corps. Nos langues fouillaient nos bouches et nos sexes, goutaient au parfum musqué de nos culs et aisselles. Nous nous bouffions comme des ogresses affamées. Nous nous dégustions comme des mets fins au banquet des fous.


Sans cesse le coeur à l'ouvrage en cet enfer, sur les rives de notre bordel, j'ai cru mourir cent fois ivre de jouissance, crampée de milles ondes de plaisir, heurtée par des mains voulant arracher ma peau à force de frapper sur mon cul, prise à la gorge par mes âmes prédatrices, âmes damnées que nous étions en cet instant, à jamais et pour toujours aimantée par nos belles et étranges âmes.


Au festin j'ai trouvé un anneau. Un anneau d'or blanc tombé là sur le champ de bataille. Récompense de ma nuit sourde, fourrageuse et orageuse j'ai gagné une alliance volée à je ne sais laquelle de ces âmes fertiles et terriennes.

.

.

.

.


Je me suis apprêtée toute la journée. Faisant couler mon bain bien à l'avance. Restant longtemps allongée dans l'eau devenue tiède et trouble. La musique laissée libre de m'envelopper. Je me suis laissée rêver. Rêver de son corps, ce nouvel amant à qui j'allais rendre quelques félicités. Lui qui prend si bien soin de moi par ces mots et pensées troubles. Alors j'ai pris mon temps. Gommé ma peau. Préparé mes ongles. Huilé mon sexe. Parfumé ma gorge. Talqué ma poitrine. Brossé et embaumé les poils fournis de mon sexe pour qu'ils soient soyeux. Maquillé le visage. Coiffé avec mille attentions et détails mes cheveux frisés en masse, allant sûrement vers le gris. Je me sens belle. Je me sens riche de mes nuits.


Cette nuit, je porterai à mon poignet le ruban de satin rouge, la part manquante de cet homme qui m'a si bien désiré il y a quelques années.

Cette nuit, mes cheveux seront ornés d'un éclat de verre et rouge, plume d'un oiseau tropical inconnu qui dans la nuit de suie m'a emporté un jour si loin.

Cette nuit, comme chaque nuit, mon annulaire portera le bijou volé à la meute.

Mon cou sera orné d'un collier de minuscules coquillages qu'un amour a assemblé pour moi après avoir arpenté la baie de Maha et mon corps jusqu'à la dérive.

Mon parfum est celui de June qui hier encore souillait mes draps tandis que ma main la poussait vers sa petite mort.


Je suis prête à me rendre chez lui, le chevaucher parée de mes souvenirs secrets, vêtue de mes nuits, des bouts d'âmes qui se sont mêlées aux miennes.


Ce soir, chez lui, je volerai un objet, une part de lui que je ferai mienne. Revêtue de mon monde, du côté de l'outre nuit, je compte bien le boire lui de ton mon saoul.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Malemort

Dans la clarté de la nuit des songes en nuées là la Malemort où je ne sais quoi sort s'étire et s'enchâsse s'enlace jusque sous ta gorge griffant mordant soufflant le chaud et le froid sur la peau fine écarlate prête à geindre en mille éclats de lunes en ta face putasse ta queue branlée tes bourses lourdes mises à mal pour le long voyage la malle poste et ta tête branlante riposte étouffe entre les cuisses la douceur de la peau le tendre abrasé par ta barbe impropre parsemée de l'odeur forte de son con tant de fois baisé sous le lit des pinèdes qui là te font suffoquer ahaner en grande goulée giboulée et bâillon de bave embrassées nage nage petit poisson poisseux visqueuse bite guerre de tranchée perdue avant que la messe ne soit dite car l'avant fut fessé pris engouffré pénétré fouetté mâle mené foutraqué fourré comme jamais quatorze queues putargues avalées pour te voir plus tard t'affaler offert lustré ta sueur suie blanche crasseuse épaisseur criante et ton

Un répit

 L'un contre l'autre, assis dans le salon. Lumières éteintes. Quelque chose comme trois heures passées minuit. Les lueurs de la vie. Les solitudes choisies, subies. Tes mains qui me massent, nous apaisent. Le dos se dénoue. La colonne s'abandonne. Je sens ton envie. La mienne naît ainsi de la tienne. Je ne dis rien. Je ne suis pas même certain de le vouloir. Pourtant je le veux. Mais je crains l'après. Est ce que cela effacera l'avant ? Est ce que cela effacera le dernier mois ? Ce serait plus simple, mais je ne veux pas que cela efface. L'amnésie et l'oubli pour ceux qui craignent. Je suis capable de cela. Mais je ne veux pas. Alors tu demandes. Je dis oui, j'ai envie. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je ne sais pas si cela compliquera plus encore. Je dis cela, et je dis j'ai envie. Et tes mains continuent à glisser sur ma peau. Et tes seins, et ton ventre, et ton bassin, collés contre mon dos. Je bande. Depuis longtemps déjà. Depuis que

La chambre des rêves (communion d'un Ange ou d'un Fou)

  Bande son : Handel - Giulio Cesare in Egitto, HWV 17, Act II, scène XIII : Aria-largo "si pieta di me". Interprète : Sandrine Piau https://www.deezer.com/track/92369954 —-----------   Bilbao. Au coeur del Cerco Viejo, tout proche de la Plaza Nueva, non loin del Nervion, il y a une petite rue, des odeurs légères et trainantes de tortillas, de chipirones frios, des éclats de voix, ceux des enfants qui jouent, ceux des adultes qui s'apostrophent dans le brouhaha tout proche, des bruits de vaisselles, celles que les serveurs lavent à la va vite avant de les remplir de pintxos gourmands et généreux. Franchir le passage, c'est se noyer dans le coeur battant de la ville, dans la foule et la vie sociale, l'alcool et les rires, le plaisir de l'instant et les amitiés braillardes. Restons en bordure. Au numéro uno de cette petite kalea servant de desserte à la dizaine de bar à pintxos de la Plaza, avant le chao des hommes, il y a une porte dont seul les rêveurs ont l&#