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CHAT_bit_TE

 Texte écrit et publié pour le thème de septembre 2023 du groupe Passion Écrire "première fois dans un sex-shop".


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Je passe devant tous les jours. Matin et soir. Et je suis toujours songeuse. Je pourrais ne rien voir du paysage qui me conduit tous les matins à mon point B et me ramène tous les soirs à mon point A. Le niveau d’usage de mon tisseur de point m’indique d’ailleurs que, en moyenne, 70,82 % des utilisatrices choisissent d’activer la fonction tunnel visuel lors de leurs trajets publics. Je ne sais pas où cela les envoie. Cela doit dépendre de leur modèle et de la combinaison de leur profil. Le matin, le ratio monte à 78,67%, 78,6666672501 % précisément. 1h43mn16s de trajet à l’aller, au retour. Ce n’est pas si long. Certains doivent consacrer près du tiers de leur journée pour se rendre à leur bureau. Et puis j’ai de la chance, le labour que mon algorithme a déterminé pour moi est un labour qui me plait. J’ai cru comprendre que certaines générations d'algorithmes n'étaient pas tout à fait au point. Des gens se trouvent alors coincés jusqu’au grand recommencement dans des fonctions qui ne peuvent les satisfaire. Ma voisine de palier a été de ceux-là. Elle est aujourd’hui heureuse de pouvoir vivre son temps libre en adéquation avec ses aspirations. Chanceuse aussi que son algorithme ne s’y soit pas opposé. Elle aurait pu tout aussi bien devoir composer avec une fonction passe-temps toilettage de vieux croulants importants, n’étant guère portée vers les autres, cela lui aurait sans doute coûté une grande fatigue mentale et beaucoup de mécontentement des communs dont elle aurait eu le soin. Au lieu de cela, elle peut désormais faire pousser sous sa verrière de grandes plantes vertes pour offrir des boutures à la Communauté. Je préfère ne pas penser à ce qu’il en sera pour moi au passage du grand recommencement, il ne manquerait plus que l'on m'assigne la tâche de m'occuper de mômes en bas âge en faisant office de poule couveuse. Je pourrais bien risquer de casser tous mes œufs.


Mon temps est au présent, et, maintenant que je sais que je ne vivrai pas aujourd’hui de journée d’utilisation pleine et entière de mes capacités psychiques pour la Communauté, je rêvasse. Pas de labour aujourd’hui ! C’est marqué en lettre capitale sur mon profil, le tout avec des emoji de joie et de mignonnitude. Mon algo a bien fait les choses. J'ai reçu plein de cœurs autogénérés par des algorithmes de profils inconnus. Success is beautiful. Je regarde les bâtiments défiler. Et comme à chaque jour, à chacun de mes trajets, avant même que le soleil n’ait eu le temps de franchir l’horizon que personne ne voit, dans cette brume de fin de nuit, deux mots ornés de néons roses et racoleurs, soulignés d’un pourtour d’étoiles bleues apparaissent. Deux mots dont l’adossement ne convient pas à la logique. CHAT_tebit_TE. Une différence cette fois-ci, par rapport à la continuité des jours, au prochain arrêt nommé Xc67èB, je descendrai de la ligne de transport. Il y a 53 semaines et 2 jours, je me suis décidée à aller visiter cet office. Cela faisait trop longtemps que je m’interrogeais sur cette anomalie. Le jour est enfin venu.


CHAT_tebit_TE, de l’anglais ? du français ?… S’agit-il d’une déformation de mon tisseur de point, acmé numérique biffé, raturé, exhibant ce qui ne doit pas l’être ? ou juste un serveur producteur de tchats mordants sous private room ? L’algorithme peut parfois être atteint d’une trop grande dette technologique et ne parvient pas alors à cacher pleinement ce qui ne correspond pas au profil du porteur. Du sexe, du sexe, du sexe ! Moi je ne vois que ça quand je pense à cette enseigne. Des bites, larges, longues, crâneuses, gourdes, fines, des chattes canailles, grasses, lisses, poilues, dégoulinantes. Pourtant, s’est écrit sur la page de présentation de mon avatar numérique, interface incontournable avant toute possibilité de prise de contact in vivo : "Ne convient pas aux choses sexuelles". C’est un fait. C’est bien moi. Je n’ai jamais été programmée pour le sexe. Je n’en ai jamais recherché, éprouvé, consommé, rêvé, esquissé, vécu… Pourtant… Ok, parfois je me loue pour faciliter la téléplantation des énergies entre les membres du Commun, mais ce n’est pas du sexe. C’est du sport et une aide précieuse à la Communauté. Je ne cède pas à un désir, je réponds seulement au besoin de la société. Absence de plaisir, sensations faibles, déconnexion complète entre l’émotion et l’action. Pourtant… Mon confesseur me l’a confirmé. Ce n'est pas du sexe. Pourtant… ces deux mots accolés racoleurs m’intriguent plus que de raison. Est-ce que CHAT_tebit_TE est un sexshop ? Bien que non pratiquante, et non programmée-intéressée à cela, je connais l’existence des Sexshop. Tout le monde les connaît, y compris ceux qui ne sont pas profilés pour. Mon collègue de bureau est affilié à 64 de ces officines et en consomme H24 en arrière plan, parfois en vrai. Lorsque c'est pour de vrai, je vois qu'il est bien plus productif. Le sexe pour lui est indispensable à la bonne qualité de son labour. C’est écrit sur son identité numérique. Elle n’est pas connue de tous. Mais je suis sa superviseuse, alors, j’ai le privilège de tout savoir sur les communs qui œuvrent pour la Communauté sous ma responsabilité.


CHAT_tebit_TE… peut être que ce n'est pas du sexe, un élevage de chat chocola-entier à croquer, à mordre ? Peut-être qu'il s'agit de ma vue. Elle ne parviendrait pas à accorder les mots, à lire les bonnes lettres. Cela m'arrive parfois, surtout quand les journées sont longues et que j'inverse les syllabes. Est-ce que je remplace des lettres par d’autres lettres pour recomposer deux mots qui finissent par nourrir jour après jour, matin puis soir, un germe de curiosité qui ne constitue pas un point de dotation initial des Communs (si ma bio ne me bugue pas). Qu’importe ce que cela peut être. Tout ce temps passé à imaginer, toutes ces semaines à attendre cette journée. Cela nourrit mes espaces vides, je dois le reconnaître. L'enseigne aux néons à pris une place essentielle lors de mes temps libres de pensée. Mon voisin de transport et collègue de labour de l'étage 14, m'a dit un jour que je pensais trop. J'ai répondu que c'était mieux que de parler trop. Depuis, il m'évite et ne me dit rien lorsqu'il me croise. Je trouve que c'est encore trop. Occupée à cette question centrale du CHAT_tebit_TE, j'ai fini par mettre de côté les sodokus serrés, la consultation en continu du international code library TM,  le visionnage du JT+8 télévisuel, et l’apprentissage du moldave médiéval. Et cela me va. C’est devenu une interrogation ludique qui occupe de la place. 


« Moi ?!! du Sexe ??? » m’étais-je écrié, feintant la surprise, pas plus tard que la nuit dernière lorsque mon confesseur libéral m’avait proposé d’essayer. Il s’était excusé, profondément gêné de m’avoir proposé un contact génital avantageux, alors qu’il savait pertinemment que mon profil n’était pas configuré pour. Devinait-il ce qui couvait en moi ? Le pressentait-il à mes dépends ? Pourtant, je n’ai parlé à personne de l’enseigne aux néons roses. Je n’ai rien écrit à ce sujet, sur aucun canal qu’il soit public, privé ou aléatoire anonyme, je n’ai pas même laissé s'esquisser l’ombre de ma curiosité.


Il m’a fallu du temps pour rassembler les crédits nécessaires à dévier mon cheminement du trajet favori A-B. Les prismes sont chers en ce moment et les moments de liberté rares. La Communauté tourne à plein régime, personne n’a vraiment de temps pour dévier son itinéraire, sauf à programmer plusieurs semaines à l’avance le tisseur de point pour qu’il puisse mobiliser des ressources en remplacement de la perte induite par le coût d’une journée libre non maximisée. Maintenant c’est fait, et je suis en approche. Ma curiosité semble se muer en désir, elle s’y accroche. C'est assez inattendu, et déstabilisant. Je n’ai pas cette habitude. Je sens mon centre réceptif. Comme si tous les prétextes formaient l’acrostiche de l’histoire d’une bite et d’une chatte qui convergent. Est-ce que c’est cela que mon confesseur appelle mouiller ? Le tisseur de point m’indique par vibrations séquencées que j’approche de ma destination. Il m’interroge pour savoir si finalement je ne voudrais pas aller aujourd’hui offrir ma journée libre au labour de la Communauté. Je réponds que je ne change pas mon programme et confirme deux fois ma validation à temps en composant deux codes secrets différents à 8 caractères dont trois spéciaux. Je pense que cette fois, ma tranquillité est garantie.


Le trottoir prend des reflets roses et bleu dans la nuit matinale. Je n’aperçois pas l’enseigne, seulement sa lumière. L’entrée du bâtiment se trouve au prochain angle à droite. Un transport passe, c'est d'abord le son qui se propage. Ensuite le soufflet d'air. Cela va vite, très vite. Peut être à cette vitesse, ai-je simplement mal lu quand pendant tous ces matins je regardais le paysage et voyait l’enseigne ? CHAT_tebit_TE. Non, je n'avais pas rêvé, ni fait d'erreur. Les mêmes lettres, la typo inchangée, majuscule et minuscule, pas de désordre, tout était donc en ordre. Au-dessus d’une porte d’entrée discrète se fondant dans la façade gris noir, trône bien CHAT_tebit_TE, enseigne non usuelle. Il n’y a rien d’autre écrit sur la façade. Mais il y a des dessins. J’avais vu ça un jour dans les toilettes d’un métro-musée. On y expliquait qu’avant les gens voyageaient sous terre, que les mouvements et trajets de chacun étaient chaotiques, les corps suants, puants, se heurtant, cherchant à s’éviter dans la foule au dernier moment, les porcs et les mains baladeuses, la crasse humaine. Il y avait les toilettes des dames pipi et au-dessus des paravents des bites dessinées, des dessins naïfs mais tout à fait pornographes, des jambes de femme écartées, des numéros d’appel griffonés, des “rdv 23h ici je susse”, un “ta chatte à la hâte ma bite t’habite”, des “cherche bite contre chatte”... peut-être que le nom d’ici venait de là-bas. Peut-être. En tout cas, la façade sombre de cet office-ci avait été recouverte d’arabesques de bites, de seins, de culs et de chattes. La porte était maculée sur toute sa surface de dessins, au feutre noir, au blanco, au couteau, à l’autocollant illégal, des dessins tous différents, des centaines ou peut-être des milliers de mains différentes qui avaient éjaculé traces de leur passage, de partout, de partout. C’était donc bien du sexe… je n’étais pas seule, même si ce n’étaient peut-être au final que de mauvais plaisantins du quartier, des arsouilleurs qui se la pétaient et qui avaient œuvré au délabrement de la façade de cet office.


Mon découvreur de map n’indique toujours rien sur le lieu, aucune information permettant de savoir qui est le gérant, quelle note d’usage, quel objet de commerce, quel SIREComun. Cette fois, de mes yeux, j’ai l’assurance que ce n’est pas un bug de l’algorithme. Mon profil doit être gravement erroné, maintenant que je sais, je devrais retrouver le cours de mon trajet favori A-B, valider ma disponibilité pour les communs du jour, passer à autre chose et reprendre mes grilles de chiffres à résoudre, regarder le télévisuel. Mais non. Rien n’y fait. J’ai très envie d'entrer. Et même si je n’ai pas l’habitude de ça, ça ne m’a pas l’air d’une mince envie. Alors je pousse la porte sans l'once d'une hésitation. Quiconque me regarderait à cet instant pourrait penser que j’entre ici avec l’air déterminé d’un liquidateur bien décidé à effacer tout obstacle sur sa route. La porte en tremblerait presque. L’air volontaire, le visae concentré, je pénètre dans une pièce où aucune lumière n'émerge. Mon découvreur forme un halo de lumière qui semble absorbé par le noir. Je vois l'écran se brouiller, des synapses visuels s'enchevêtrer, j'ai la sensation de basculer dans une dimension parallèle, quelque chose prend le pouvoir de mon algorithme. L’intuition développée de la superviseuse professionnelle que je suis sais que je n’ai aucune crainte à avoir.


Un message apparaît. Lettre roses et bleues, fond noir.

_ Vous avez pénétré en ce lieu sans que personne ne vous y ai forcé. Deux choix : oui, non.

_ Oui.

_ Vous êtes majeur.e.

_ Oui.

_ Avez-vous parlé de cette visite à quiconque ?

_ Non.

_ Afin de vérifier que vous êtes pleinement en possession de vos moyens physiques et psychiques, placez-vous dans le cercle bleu apparaissant devant vous.

Je m'exécute avec un petit sourire sur mon visage, celui du genre, “on va voir ce qu’on va voir !”. De plus en plus curieuse. Mais curieuse n'est pas le mot. Je sens une tension. "Excitation !" Me dirait mon confesseur. Excitation ! Oui, je suis émotionnellement et physiquement excitée. J'ai envie. Je sens que j'ai très envie. Quelque chose de nouveau, rarement ressenti, peut être même jamais jusqu'à ce jour disruptif. Pendant que le cercle se met à s'animer en mouvements circulaires tout en dégradés de bleu, je m'interroge. Pourquoi ? Est-ce que c'est la déviation de ma trajectoire habituelle qui cause en moi ce trouble? Si je suis honnête avec moi-même, je me suis toujours sentie un peu déviante, mais normalement déviante. Attestation du profil. Individu normalement commmune. Puisque mon algorithme ne s'en était pas alerté, j'étais simplement passé sur cette idée. Pourtant, penser maintenant à cette menue déviance transforme l'idée en émotion, en trouble. Je dévie, je me sens déviante, j'ai envie. Le cercle clignote maintenant d'un vert fluorescent et d'un petit son à la Mario Bros. Un nouveau message apparaît sur l'écran de mon découvreur.

_ Nous vous remercions pour votre confiance.

_ Faut qu'il arrête, on dirait un message commercial de mon compte KlineBank, il va finir par me faire fuir le bougre.

_ Les prérequis ont été validés. Vous êtes ici en sécurité. Aveugle à la communauté.

_ Et c'est censé me rassurer ?? Me dis-je à voix haute sur un air d'autodérision.

_Si vous répondez oui à la question suivante, vous serez, en plein consentement, sexuellement utilisée par des humains eux-mêmes aveugles à la communauté pour satisfaire profitablement vos/leurs désirs. Votre compte KlineBank sera…

_ et merde ! le revoilà celui-ci ! Cette fois ça va être le moment de vraiment faire demi-tour, vu ce que j'ai du dépenser pour dévier mon trajet jusqu'ici, je ne pourrai pas m'offrir le droit de miser pour voir la suite, pourtant, j'en ai diablement envie. Être utilisée, sexuellement utilisée, par des humains déconnectés… cette idée subitement révélée me fait mouiller, et si c’est nouveau pour moi, c’est bien plus qu’agréable.  

_… crédité de 1054 crédits anonymes pour location. Votre utilisation ne sera pas réalisée au profit des communs. Votre utilisation le sera à votre profit ainsi qu'à celui des humains qui vous utiliseront sexuellement. Vous êtes ici dans un magasin de sexe. Vous êtes le sexe. Ils sont les sexes. Ils vous payent pour cela. Nous sommes votre magasin CHAT_tebit_TE, ici pour vous servir.

Quelle est votre réponse ? Deux choix. Oui / Non.

_ Décidément, ils devraient arrêter de jouer sur le registre marketing. Pourtant, j’ai beau jouer de sarcames cela me plait, cela me trouble.


Mon coeur bat fort, et mon ventre se noue. Je prononce à voix haute, un oui, en un souffle court. Sans même toucher l’écran de mon découvreur ma réponse est validée. Mon écran s’éteint. Le cercle s’éteint aussi. Me voilà plongée dans le noir le plus total. Droite comme un i, parée de mon uniforme de superviseuse, les sens aiguisés, j’attends la suite. Il y a dans la pièce une nouvelle odeur qui, pas à pas, empli l’air. Je sens un parfum de miel, de miel et de musc. C’est une odeur qui me plait. Elle me renvoie à des sensations douces, chaudes. Le parfum d’un gel douche, la moiteur d’une humidité chaude. Je sens mon corps qui se détend. Je me vois sous une douche, l’eau tombant comme averse du plafond. Ma main enduite de gel rend à mon corps une texture mousseuse et enveloppante. Ma main se nourrit de la chaleur de mon ventre. Le pubis en avant, les épaules légèrement en arrière, mes doigts lavent mon sexe. Il étreignent mes lèvres. Je me sens chatte. Animale. Je sens en moi le désir, la pulsation du désir, l’envie de me caresser, j’ai en tête un verbe qui raisonne, un verbe que je n’utilise pas habituellement. BRANLER. Oui, j’ai envie de me branler, et je me branle. Le plaisir est immédiat, il se répand sous ma peau, il irradie mes organes, il envahit mon cortex. Je veux être vue. Je veux être vue par des hommes. Je veux voir leur sexe. Totalement emportée par la caresse des mes doigts, les lèvres gonflées, les cheveux mouillés, l’eau s’écoule. J’entends des chuchotements. Des bribes de mots. “Regarde-là”, “prendre”, “je vais me la”, “Tu crois qu’elle”, “sucera”... Ces voix s’éteignent à demi-mots pour arriver en vague entre mes cuisses. Le plaisir se fait dense. Le regard vitreux, obsédé par l’image de sexes turgescents, j’entrouvre les paupières. Il y a derrière la vitre des silhouettes rendue floue par la buée qui a envahi la pièce. Des silhouettes d’homme. J’en compte trois. Je passe la main sur la vitre pour voir leur visage. Ils portent des masques qui cachent le bas de leur visage. Ils m’excitent. Ils ne détournent pas leurs regards obscènes et cela me vrille le ventre de me sentir ainsi disponibles à leurs vices. Je me retourne, colle mon cul contre la vitre et écarte les deux globes de mes fesses charnues. Je veux qu’ils voient mon sexe, ma vulve poilue, ma chatte rose, mon cul avide. Je veux leur ouvrir l’appétit pour qu’il puissent me dévorer à leur guise.


Et je me branle. Et je me branle et voilà que les hommes se retrouvent à mes côtés. L’un pose sa main sur ma gorge et me pénètre du regard, de ses yeux bites, il me gave la rétine. Un autre me décale dans son axe, remplace mes mains par les siennes, écarte mes fesses. Son sexe touche mes chairs. J’ai du mal à savoir ce qu’il fait, où va-t-il entrer. Je n’ai qu’une hâte, c’est qu’il le fasse. Un autre pose ses mains sur mes cuisses, agenouillé, il glisse son nez dans les poils de mon sexe. L’eau nous inonde. Le parfum de miel sature la pièce. Je mouille sans savoir si c’est là la salive de mon partenaire, le gel douche, l’eau de la douche, le méat de celui placé dans mon dos, la déferlante de celui qui m’inonde les pupilles. Cela dure longtemps, une éternité me semble-t-il. Je suis portée à l’extrême de mon impatience. Je veux qu’ils me baisent. Je veux qu’ils me prennent. Je veux qu’ils me fourrent salement. Je veux qu’ils me labourent le ventre. Je veux qu’ils me prennent à la gorge, me pissent dans le cul, m’éventrent comme jamais. Putain, JE VEUX ! Je leur dis “baisez moi”, je le leur répète je ne sais combien de fois, je le leur dis en me branlant le con, en serrant comme jamais la pointe charnue de mes tétons, je le leur dis en un souffle, en soupirant, en hurlant, en jouant les mijorées, les naïves, les putains, les chattes, l’animale, je le leur l’ordonne même, mais rien n’y fait, chacun de ces trois hommes, les queues démesurément tendues et rouges de désir, les regards vicieusement torves, aucun n’entre en action. Je sens mon visage envahi par les larmes, et je pleure de cette frustration, je me retrouve gamine impuissante, alors je les supplie. “S’il vous plaît, s’il vous plaît”. Je les supplie longtemps en pleurant comme si toute ma vie ici dépendait de leurs assauts salvateurs.


Les trois finissent par répondre à l’unisson, de leurs voix graves et profondes, “maintenant”. Et je suis prise, emportée dans une tempête qui m’arrache au sol, qui m’emporte loin en moi. Et je suis léchée. Et je suis embrassée. Fourrée de leurs langues. Ramenée à même le sol, plaquée brutalement, le visage sur un ventre, le nez à la base d’un sexe, la gorge prise, les reins entravés par leurs corps. Les cheveux tirés en arrière. Les hanches griffées, des doigts qui s’enfoncent dans ma peau. Mes jambes ne me servent plus. Je suis calée par des queues, assaillie par des sexes, fichée profondément. Je suis merveilleusement jouet, poupée, vicieusement pantin, marionnette, sans autre volonté que l’abandon à l’orgie, désarticulée, possédée. Prise d’assaut de toute part par ces autres humains qui jouissent en moi, me remplissent de foutre, dans ma bouche, dans mon sexe, dans l’anus, sur ma peau, ils jouissent de foutre, crient, soufflent, murmurent ou affirment leur plaisir, et ils continuent toujours durs jusqu’à laisser place à d’autres hommes, toujours à demi masqués, aux bites toutes plus dures les unes que les autres, aux bites petites, grosses, fines, aux bites raides, aux bites molles aussi, douces. Prenez-moi toutes. Oui, prenez-moi ! Je délire totalement sous la continuité des assauts qui ne cessent plus. Il fait ici une chaleur torride, le plaisir est divin, douloureux aussi, insoutenable et pourtant lorsque je le sens faiblir à peine légèrement, je me mets à pleurer en lui parlant à mi-voix, “non, s’il te plait, encore, pas tout de suite, s’il te plait”, et chacun de mes mots est malmené par les queues qui me heurtent au plus profond, et chacun de mes sanglots est un hoquet animal qui glisse dans une litanie du plaisir, de l’oubli et de l’abandon. J’ai la tête qui tourne, je suis envahie de mille sensations, le parfum de miel se met à saturer mon cortex, l’épaisseur de leur foutre brouille ma vue au-delà même de la souillure de mes orifices. Les hommes continuent à jouir et je ne suis que vagues immenses et insondables qui remuent les fonds visqueux de mes abysses. Je ne suis plus que sensations, peu m’importe ce qui m’est fait, je me regarde, je flotte, je plane, je les regarde, je me délecte, je me saoule encore, toujours, toujours un peu plus, j’entraperçois un groupe d’homme qui attend, cinq, six, peut-être plus, d’autres hommes qui partent en sens inverse, qui s’installent dans le fond d’une pièce. Moi au centre de celle-ci, regardée et recouverte de lumière et de vice. Je fini par ne plus savoir.



BIIP BIIP BIIP BIIP


Je me réveille en sursaut. Désorientée. 4h52. Mon algorithme a décidément le sens du théâtral. Je suis dans ma chambre. Est-ce que je dormais ? Est ce que je rêvais ? Je me sens perdue. Nue. Je me dirige machinalement sous la douche. J’ai des réminescences d’images, mais j’ai une sensation de flou. Je regarde mon connecteur, il y a sur l’écran un message de ma banque, compte crédité +1 054, objet Sexe shop. Ma peau sent le miel, elle pue le foutre. La douche se déclenche automatiquement. Le savon coule sur ma peau. J’ai envie. J’ai sacrément envie. Je reste sage, ma journée de superviseuse va être longue. Mon travail pour les communs promet d’être rude aujourd’hui. J’ai une échappée à rattraper et j’ai en tête de m’offrir bientôt une nouvelle déviation de mon trajet pour retrouver cet étrange office. Une fois à la table de mon petit déjeuner, je regarde l’écran de ma météo intime. Mon algorithme s’est enrichi d’une ligne. Sexuelle, statut novice. Je souris. Maintenant que je sais où et comment, j’ai hâte de passer au niveau suivant.


Oh que oui ! J’ai envie de jouer encore !


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