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L'inversion du monde

 Texte écrit dans le cadre de la contrainte d'écriture de février 2024 du groupe Passion écrire - [https://fetlife.com/groups/71593/posts/26300431][l'inversion des pôles]


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Tu t’es endormi et je n’ose pas bouger. La fenêtre est ouverte. Elle donne sur les bois de fer. Ton corps est chaud. En comparaison, ma peau est fraîche. Elle est retombée de sa tension. Je laisse courir mes doigts sur ma hanche, à l’orée de mon pubis, à l’orée des poils de ta cuisse dont je me joue. C’est une caresse discrète. Elle me transporte. Elle me transporte au dehors. La petite brise d’été qui fait chanter les feuilles après le passage de l’ondée. Le chant des perruches de la Chaîne en cette fin de journée, tout à l’heure, laissera sa place aux grillons des temps anciens. Il y a longtemps que je n’ai pas vu de lucioles. Existent-elles encore les lucioles de mon enfance, celles qui illuminaient la nuit tandis que je marchais pieds nus devant la terrasse ? La maison qui, aujourd'hui, n’est plus. À cet instant, notre chambre, là, c’est un havre du bout du monde. J’aimerais que tu ne te réveilles jamais. Je resterai, là, pleine de ce moment. Le moment simple. Le corps alangui, ta chaleur à toi tout contre moi, les battements de ton cœur qui rythment mes tempes. Le petit bruit de ta respiration et nos parfums mêlés à ceux du petit bois sauvage. Le parfum de nature après l’orage d’été qui, juste avant, nous faisait croire que nous allions nous laisser emporter par le sortilège du déluge, sans qu’il ne puisse y avoir de fin. Je suis toujours surprise quand les orages cessent. Tout est si subitement calme et beau, alors que l’instant d’avant j’avais peine à imaginer qu’il puisse y avoir une fin à ce caprice du ciel.


Nos désirs sont à cette image. Il ne se passe rien pendant des semaines, il suffit d’une caresse, un geste, un regard, une langue posée sur mes lèvres, ou mes baisers dans ton cou et les cieux deviennent si lourds qu’il n’y a plus qu’une issue à l’ondée. Tu le sais, j’aime que ce soit toi qui prenne le dessus. Et c’est toujours ce qui arrive. Je veux être ton objet dans ces instants, que plus rien ne dépende de moi. C’est peu de chose. Comme l’ongle de ton pouce grattant tel un petit chat sur le bout de chair que forment mes tétons. L’étau de ta main refermée serrant mes poignets, cherchant à me contraindre, me faire mal, accélérant mon souffle, arrachant ma gorge des volées d’abandon. Tes doigts se faisant serre sur mes seins, inversant la pesanteur jusqu’à la douleur qui embrase. Tu laisses parfois à l’endroit de ta prise sur ma peau des tâches bleutées, une parure éphémère de jaguar. C’est toujours trop peu. Oui, trop peu. Mais je n’en dis rien. Comme là, tu vois, à ton réveil, je ne te dirai pas plus de mots des points de croix que je tisse dans ma tête. C’est mon monde à moi, le monde de l’infime, du plus petit soulèvement de cil, des frémissements de paupières, de l’indicible qui se niche entre les plis de ma peau. Je me demande parfois s’il existe, ce monde que je tisse. Et si je le confiais aux mots du quotidien, est-ce qu’il n’irait pas tout simplement s’évaporer dans le monde commun ? Tout à l’heure, l’orage tonitruait à plein. Par rafale, la pluie tropicale échouait sur le sol au pied du lit. Le bruit était assourdissant sous les toits de tôle alors que ta main reposait sur ma gorge, sûre d’elle et moi dépendante de ton bon vouloir, humide de ce pouvoir donné. Tandis que tu approchais lentement ton visage de mes lèvres pour y déposer des mots bien sales, des mots abjects, des mots qui me rendaient moins que rien à l’usage de ton pouvoir, des mots qui faisaient épaissir ma mouille comme du plomb fondu, des mots humiliants jusqu’à la lie de mes entrailles, déclenchant l’ondée de l’orgasme au bout de la tension et sous les ravages du déluge, sous le jeu de ta langue fouilleuse sur la mienne, tandis que tu me faisais tout cela, j’ai eu le désir de toi. J’ai eu envie que le monde s’inverse, le désir, et plus que cela encore.


Je voulais devenir le ciel plein de nuages noirs, je voulais me saisir des éclairs par brassées et te les ficher dans la gueule, bien profondément calés. J’ai inversé ton baiser, le sexe pluvieux de m'être abandonnée, j’ai aspiré d’instinct ta langue, mordant sans retenue, ta main a relâché encore un peu plus ma gorge. Te sentir si subitement décontenancé m’a porté plus loin encore que ton emprise si douce. Je retrouvais mon souffle. Mes dents serraient ta langue, j’allais te blesser et je le savais. J’allais te blesser, je voulais te blesser, contrepartie équitable de tes mots. Tes mots m’avaient, l’instant d'avant, ensevelie sous la honte, dérobant le monde autour de moi pour me plonger dans l’orgasme arraché, et diable que je bandais de cette idée maintenant de te tenir en laisse. Inverser la parole pour te la faire avaler en silence, sous l’emprise de ma tempête. Est-ce que toi tu avais une idée de ce qui se passait là ? Tu as gémis, tu as gémi et tu ne t’es point débattu. Tu as gémi, et tu as disposé les bras le long de ton corps. Tu as gémi et j’ai vu ton regard vitreux, je t’ai vu plonger dans mon domaine. Je me suis éloigné de ton visage. Et j’ai posé avec précaution ma main, cette fois, sur ta gorge. J’ai pressé, j'ai refermé mon emprise, plongeant dans la moiteur de te lèvres, épiant la pupille de tes yeux, méprisant la pomme d’Adam, t’empêchant d’avaler ta salive. Tu devenais un sexe dur et rouge au point de voire ton gland plus gros encore qu’à l’habitude. J’avais faim. Plus que cela, j’étais affamée, affamée de te faire mal, affamée de te voir rendu à mon pouvoir. Et c’est moi qui aie parlé tandis que dehors les volets frappaient contre le mur, tandis que je sentais des crachins de pluie sur mes pieds repliés. J’ai craché sur ton visage. Plusieurs fois. Mais ce n’était pas assez. Non, ce n’était pas assez. Tu me regardais, tu me souriais, il y avait encore de ta bravoure dans tes yeux et sur tes lèvres. Oh oui, petit putain lubrique ! Tu étais arrivé à tes fins, voilà ce que tu me disais en silence tandis que pour la première fois je prenais le pouvoir. Un éclair a fait vaciller nos ombres sur le mur et ma main est partie brutale et ferme. Est-ce que j’ai rêvé cette concordance ? Je n’ai pas rêvé la trace rouge sur ta joue. Une belle gifle dans ta face prétentieuse, et une ou deux autres qui ont suivi au rythme du déluge, et je t’ai vu changer. Je t’ai vu surpris, interdit, la bouche entrouverte, les yeux brumeux. Tu étais beau mon ange. Alors, j’ai saisi ta queue d’une main, crachant sur ton gland, le goût du sang dans ma bouche, les mâchoires serrées, et ta gorge encore sous l’emprise de ma main, je t’ai branlé en silence. L’orage s’affaiblissait et ma rage avec. Et je t’ai branlé. Très vite, très forte. Il n’y avait aucune douceur dans mon geste, dans ma ferveur, je voulais encore te faire mal, te rompre la queue à force de la branler. Très vite ton sperme s’est mis à suinter de ton sexe brulant sous ma main tandis que je me mettais à te serrer fort, comme pour la faire exploser. Je n’y suis pas parvenu. Nous étions étourdis, comme hébétés. Souriants et heureux. Très vite nous nous sommes réfugiés l’un contre l’autre. Nous n’avons pas parlé, maintenant, les bruits de la brise douce dans la forêt sèche entraient par la fenêtre de notre chambre et suffisait à nos souffles. Tu as fini par sombrer.


Je voudrais que tu ne te réveilles pas, ou, au moins, pas avant longtemps. Parce que j’aime ce moment. Parce que j’aimerais pouvoir voir le jour baisser. En être la seule spectatrice, le seul témoin. Je voudrais même que ce puisse être la fin du monde. Et s’il venait à y avoir des lucioles et bien, je prolongerai le monde encore un peu, juste pour moi. Il faudrait que tu attendes. Laisse moi à mon monde, que le jour se lève, alors tu pourras m’arracher aux tropiques. 

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