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Se nouer le ventre

 L’attention à son comble, je ne pouvais te toucher, je n'osais te toucher, je ne dormirai pas, je ne te toucherai pas. Si ce n’est du regard, de l’écoute, de la plongée quelque part dans un monde. Dans l’ombre douce de la chambre tiède, au bruit de baise des voisins qui auraient pu aussi être ici avec nous, je t’écouterai respirer. Plus loin que les chants des oiseaux maritimes, j’écouterai ton souffle, je me délecterai des nids que tu crées, chatte cherchant à faire couche de la couette, rêveuse à ton confort. De ton visage et de ta peau je verrai peu de choses, trop d’ombres, trop sombre, ainsi va la nuit. Pourtant, je me fendrai les yeux à t’épier, fermant les miens par instants pour trouver un peu de repos et me nicher entre la brise de tes lèvres. Tantôt allongé sur le dos, à l'affût de tes bruits, je rêverai d’un cauchemar pour avoir le prétexte de poser ma main rassurante sur ton bras. Parfois, je me rapprocherai de la frontière de nos lits, des falaises pour un saut qui devra attendre car jamais je n’oserai te réveiller tant ma nuit sans sommeil était devenue si délicieusement délicate. À peine une caresse légère sur mon sexe, là n'était pas le sujet. Je voulais être, je voulais être là, avec toi. Au plus proche de toi, je tenterai de saisir ton odeur, sans y parvenir. L'idée fera son chemin jusqu'au petit matin, creusant son sillon dans l'océan tout proche, jusqu’à s’échouer au matin dans la chaleur douce de ton corps, prenant de l'épaisseur au fil des heures, de tes respirations et mouvements, et des bruits de gorges aigus de la voisine. Car oui, dès que nous nous sommes allongés, préparés pour la nuit, il y a eu cette pensée précise, le désir de te sentir, me laisser envahir par tes odeurs, noyé par le parfum de ta peau, celui de ton aisselle, sentir tes poils par flopée, la naissance de ta chevelure, dans le creux de la nuque, plonger dans ton cuir chevelu, et peut-être même te sentir au bout de tes doigts. Je n’avais rien, pas de sexe à lécher, pas de membre à bander, pas de langue à enrober, je n’avais rien d’autre que ton souffle et ton odeur, et c'était là détenir une part des zéphyrs à venir. La nuit fut cela, ton souffle, ton odeur, l’impossibilité de dormir, et le refuge de ton ombre. Le jour enfin et la fin de ton réveil, ton corps si charnel, quelques mots échangés. Des mots soufflés par la nuit avant qu’ils ne fussent prononcés. Chaque relief de mots, je les avais esquissés. Mais je n’avais osé esquisser l’odeur de ton corps, et sa chaleur, son épaisseur langoureuse et réconciliante, sa douceur. Enfin contre toi, sous tes bras à renifler l’odeur boisée de tes aisselles, m’autoriser quelques caresses de langue, là, à cet endroit, de tes poils fins et drus, espérant ta sueur, la moiteur de ton corps animal. La retenue, le barrage que l'on pose intentionnellement, celui qui vient recueillir les émotions, créer le monde à nous, à former les barricades, à se nouer le ventre et se nourrir de milles rêveries, j’ai aimé être ainsi retenu dans mon monde de peu de choses, dans l’univers de tant de toi, partout, sans jamais être en toi, partout et déjà Être avec toi.


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