Accéder au contenu principal

J'ai mis dans ma tête que je deviendrai peintre

Artistin Marcella, Ernst Ludwig Kirchner, 1910
Manao Tupapau (l'esprit des morts veille), Paul Gauguin, 1892

"Autrefois, les îles de Raiatea et de Tahaa formaient une seule vaste terre : Havaii-nui, le "Grand Espace Invoqué et Obtenu". Les prêtres y construisirent le temple de Marae. Il fut décidé que rien ne devrait troubler la paix de ce lieu sacré, qu'aucun coq n'y chanterait, et qu'aucun être humain n'en franchirait jamais la porte. Une belle jeune fille appelée Terehe - ce qui signifie mauvaise intention - brava l'interdiction. Jour après jour, elle vint se baigner dans les eaux du fleuve qui coulait à proximité du temple. Les dieux, contrariés par sa conduite, envoyèrent la Grande Anguille Tuna-nui et celle-ci avala la jeune fille. L'Anguille, possédée par l'âme de Terehe, devint furieuse. Sous l'emprise de la colère, elle déracina les arbres et les rochers. Elle dévora la moitié des habitants de l'île. En ingurgitant tout ce qui l'entourait, Tuna-nui grossit jusqu'à se transformer en un animal gigantesque. Alors les dieux demandèrent à Tarahu-nui, le Grand Chaman d'intervenir. Grâce à ses pouvoirs magiques Tarahu-nui dompta le monstre. Juché sur sa tête, il l'emmena très loin de l'île, en direction de l'Orient. Dès lors, la Grande Anguille fut rebaptisée La Grande Transfigurée. Sa nageoire dorsale, haute et coupante, devint la chaîne de montagnes à partir de laquelle grandit l'île de Tahiti. Une deuxième dorsale, plus petite, servit de colonne vertébrale à l'île de Moorea. Après quoi, l'immense poisson, épuisé, se reposé. Mais l'empêcher de bouger ne fut pas facile. Un groupe de guerriers partit en expédition. Ils rejoignirent l'île de Tahiti en pirogue. Ils voulaient couper les tendons de l'Anguille : ainsi, elle ne bougerait plus jamais. Parmi eux se trouvait le célèbre Tafai. Il avait fait construire une énorme hache, la plus robuste qui ait jamais existé. L'arme était si lourde que nul homme ne pouvait la soulever. Tafai invoqua Tino-rua, le seigneur de l'Océan, et la hache devin si légère qu'un enfant aurait pu s'en saisir. Tafai coupa les tendons et tous les muscles de l'Anguille. Et c'est depuis ce jour que l'île de Tahiti est telle que nous la connaissons. Tafai et ses guerriers devinrent les rois de l'île. Bien des générations plus tard, leurs descendants ont vu se réaliser l'ancienne prophétie qui disait : "Des hommes viendront un jour à bord d'une grande pirogue sans balancier. Ils seront habillés des pieds à la tête".




Gauguin, l'autre monde, Fabrizio Dori


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

PornographieS

 Texte écrit pour le thème du mois de juillet 2024 "Pornographie" du groupe fetlife "Passion Écrire" ---------------- # Porno \pɔʁ.no\ Adjectif. Relatif à, qui appartient à la pornographie ou à l'extrême violence. Caractère obscène d'une oeuvre d'art ou littéraire. Nom masculin. Film pornographique ou d'extrême violence. Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées Porno vice, porno star, sur le canapé les yeux ébahis. Je veux voir. Voir ce qui ne se voit pas. Toujours regarder, sans plus cesser. Des hommes, des femmes, des cris et des râles, simulés, amplifiés, réels, au-delà de l'écran, le néant, l'anéantissement de toute volonté. Le néant qui dévore sans fin, qui te mène en bordure de toi, qui t'empare et te désempare. Panti...

Un monde en soi

Chaque chose était vivante. Chaque chose était mémoire. Chaque objet était une part d'elle. Chaque objet était elle. Elle était ces objets. Ils étaient elle, sa propriété, son domaine, son monde à elle. Disposer des choses était une nécessité absolue de sa vie. Les faire siens c'était maîtriser un monde, un univers qui lui était propre, univers secret, inconnu, inabordable pour quiconque n'aurait pas été dans sa peau ou dans sa tête. Qui saurait déchiffrer le sens que prenait pour elle cette large tête sculptée qui trônait fièrement à proximité de son lit ? Travaillée dans un bois de noyer aux teintes ambrées, cette crinière sauvage prenait à ses yeux l'écho d'une chevelure de femme s'ouvrant partiellement sur le front équidé d'un animal aux naseaux puissants et au regard fier, un regard porteur de mythes aux chevauchées et aux combats fantastiques. Qui pouvait comprendre que l'anthracite et le gris de lave des tapis épais qui gisaient en rectangles séq...

Celui que j'ai chassé

 Photographe : Photaphil / Modèle et Graphisme : Narracoeur     Les heures tournent et je ne trouve plus le sommeil. Un gros papillon de nuit noir se heurte convulsivement à l’ampoule qui illumine faiblement la pièce d’une lumière fatiguée. J’entends les bruits de cette vieille demeure, comme on attend des fantômes dont on ne sait s’ils vous seront sympathiques ou inquiétants. Le journal de Clément est posé sur la table de chevet. Je n’ai pas osé l’ouvrir. Je crois que j’ai peur. J’ai l’impression que Clément veut me léguer un héritage que je ne suis pas prêt à accepter. J’ai eu beau tâcher d’orienter mes pensées vers d’autres sujets, il n’y a rien à faire, mon esprit revient toujours à son carnet. Je sens sa présence à côté de moi. La couverture est noire, d'un papier épais, à peine cartonné, râpant. Elle me transmet une sensation d'étrangeté.     Depuis combien de temps n'étais-je pas revenu à Saugues ? Il y a longtemps, j'ai fui ces maisons c...