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20 décembre 1968

20 décembre 1968

Sally,

Voilà des années maintenant. Des années… pourtant vous ne m’avez jamais vraiment quitté. Etiez-vous tout ce temps à mes côtés lorsque mes pensées caressaient les trop rares souvenirs que nous partageons vous et moi ? La guerre est bien loin désormais, le temps passe. Mes compagnons d’arme ont tous fait carrière, certains ont aussi consumé leur vie, il est vrai. L’un est devenu ministre. L’autre a fait parmi des premiers 8000. Moi je suis parti loin de vous. Etait-ce un choix ? Ais-je cherché à m’éloigner de vous faute d’être capable de vivre ce que l’un comme l’autre aurions aimé vivre. Vous, votre mari, vos enfants…

Moi, ma fuite en avant, toujours, sans regarder derrière. Le lierre meurt où il s’attache. Le monde bouge. Au printemps dernier la jeunesse jouait du pavé et écrivait sur les murs. Je ne comprends plus ce monde. J’étais depuis des mois en terre canaque. J’ai cherché à comprendre ce monde-là. J'y ai rencontré des femmes. L'une d'elle m'a fait découvrir Haendel. Même si cette musique divine est à l'opposé de ce monde de coutume, j'y ai trouvé des passerelles. Là-bas, chaque vie passée reste présence, chaque homme est lié à sa tribu, à ses ancètres. Là-bas le temps est long, figé sans exclure. Un monde où la parole donnée garde son sens. Je n’ai pas oublié ma parole donnée. Je suis revenu.

Il neige beaucoup depuis quelques jours. J’ai trouvé refuge comme à chaque fois ici, chez Pierre et Amandine, cet ami qui fait corps avec les grandes falaises du Vercors. Toujours très peu de mots, mais une présence qui ne s’estompe jamais, une loyauté et un courage à toute épreuve. Ils me font du bien depuis que je suis rentré de mon exil. La France n’est plus pour moi. Trop de froid, trop de glace, trop de guerres latentes. Terre de l’esprit, des grandes envolées, la France libre domine dans ses terres lointaines les peuples indigènes. Elle n’a toujours rien appris mais professe ses leçons de grandeur. Elle met en avant ses alpinistes, conquérants de l’inutile, ses jeux olympiques, son atome, son progrès, elle tue, domine, vole.

J’ai froid. Vous me manquez. J’ai choisi de vous écrire depuis cette église qui nous est chère depuis ce jour où mes mots vous y ont rencontrée. Je suis allongé sur ce même banc où votre si joli cul s’est posé durant cette messe tandis que le papier de ma lettre réchauffait vos mains des mots écarlates que j’y avais glissé. Voilà que me prend l'envie de lécher votre petit trou, souvenir d'une nuit parisienne. J’ai toujours avec moi vos lettres, ce joli papier bleu et vos confidences de mots chiffonnés, d’étreintes volées.

15 novembre 1950 « La nuit est tombée tôt, bien sûr, et je me suis surprise à rester là et à frotter compulsivement, et de plus en plus fort mes cuisses entre elles. […] un de ces hommes m’a vue, il semblait alcoolisé mais assurément était quelqu’un d’éduqué. Il s’est calé, enfoncé dans l’autre angle de cette porte cochère et il s’est tenu là, piqué, sans bouger, me regardant sans cesse, me dévisageant, me déstabilisant du regard. Nous n’avons pas prononcé un mot. J’osais à peine croiser son regard… J’ai soulevé mon imperméable et par là même, ma jupe crayon. Et je me suis touchée. Caressée. Effleurée. Masturbée. »

22 mars 1951 « Il est temps que votre sexe s’empare de moi, à l’égal de vos doigts et de votre langue. Venez m’habiter. Vous enfouir en moi. Venez me goûter. Me sentir. Baisez-moi. Sentir votre gland, puis votre membre s’installer en moi ne quitte pas mes pensées ».

Je vous relis. Acte sacrilège en cette petite église de bois. Acte qui nous va si bien. Il n’y a personne. Tous les villageois doivent être à leur étable pour la traite, suant dans leurs pulls de laine, éclairés par des ampoules sans puissance, ou sans doute encore à la lumière flottante d'une lampe à gaz. Puant le purin, travaillant de tout leur coeur. Moi je bande dans cette église, 18 ans après cette première lettre. Je bande toujours pour vous. Malgré le froid, malgré la distance, malgré le fait que je ne vous ai plus vue depuis des années, malgré les pointillés qui sont les notres. Noël se déroulera dans quatre jours. Je vais déposer cette lettre sous le banc de pin qui m’accueille aujourd’hui, celui-là même qui m’a accueilli il y dix huit ans. Les habitudes de votre famille aidant, je veux croire à toute force que vous assisterez à la veillée de Noël. Je veux croire à toute force que vous prendrez l’escalier en entrant, que vous vous dirigerez sur votre gauche une fois gravi toutes les marches, que vous vous installerez ici même, ce banc où je dépose mes lèvres, ce banc que je sens à la recherche du parfum si doux de votre joli cul. Serez-vous nue sous vos jupes comme je vous l’avez demandé la première fois ? Votre main glissera-t-elle sous le banc cherchant presque insconsciemment, si jamais…

Je me suis surpris à lécher ce bois qui vous accueillera. Vous m’avez offert ce don, celui de pouvoir vous toucher en tout lieu, même en votre absence. Si vous saviez comme j’aurais aimé vous faire découvrir la Grande Terre ! Toutes ces pensées de vous qui m’ont accueillies. Je me souviens comme hier, cette fois où vous êtes venue à mon travail. Vous vous êtes laissée enfermée au ministère, faufilée dans les escaliers de secours aux heures où chacun tente de rejoindre son doux foyer. Vous m’avez attendue dans les toilettes. Je vous y ai rejoint et vous ai baisé à votre demande sans autre mot que celui de votre invitation. Par derrière, j’ai joui en vous, vite fait, assailli par le plaisir d’être en vous, drogué à la vue de votre peau blanche partiellement dénudé. Puis je vous ai demandé de vous asseoir sur les toilettes et de pisser devant moi. Vous n’avez pas voulu desserrer vos cuisses, alors j’ai du forcer le passage tendrement pour parvenir à placer l’extrémité de mon majeur devant votre sexe et j’ai alors senti votre pisse chaude et douce. Nous étions encore dans l’extase du moment avant que je ne me mette à jouer avec votre petit trou ce cul pour vous entendre sans varier dire « non », qu’il était tout sourire votre regard qui disait non.

J’ai revu H. dernièrement, il m’a redit qu’il n’avait rien oublié de cette fois où lui et moi vous avons pris dans la cave à charbon de son immeuble bourgeois. Je me souviens parfaitement avoir pris soin d’ôter très suavement le manteau que vous portiez ce jour-là. Ce n’était pas une journée froide comme celle de ce jour. Pourtant à être là avec vous, je sais que je vais pouvoir sans difficulté affronter la tempêter qui me sépare de mon lit. Je me branlerai sans aucun doute devant ma solitude, mais avec vous, tout à l’heure lorsque les amis seront couchés et moi seul devant le lavabo émaillé de ma petite chambre. Je ne vous attendrai pas à la veillée de Noël, ne me cherchez pas des yeux au sortir de la messe. Je ne veux pas vous déranger. Je pars demain, je vais m’installer quelques jours à Grenoble. Depuis les olympiades, la ville a beaucoup changé à ce que l’on m’a dit. J’espère retrouver cet hôtel qui nous a abrité quelques heures il y a tant d’années de cela. Cet hôtel de passe où nous avons croiser cet homme après qu’il eu sauté sa bourgeoise. Nous n’avions pas été en reste. Je vous y avais dévoré. Je vous y attendrai quelques jours encore.

Alfred

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